Avec 22% des colis de La Poste, les chinois Temu et Shein s’imposent face à Amazon en France

Entrevue 1

La progression fulgurante des plateformes de e-commerce chinoises Temu et Shein a fait d’elles des acteurs de premier plan dans la logistique de colis en France. Selon Philippe Wahl, PDG de La Poste, elles représentent désormais 22% des colis gérés par l’opérateur postal français, un chiffre qui dépasse celui d’Amazon d’un point, alors même qu’il y a cinq ans, ces plateformes ne pesaient que 5% des flux. Ce changement souligne l’essor rapide de ces sites en Europe, notamment en France, où les consommateurs sont de plus en plus attirés par des prix extrêmement compétitifs et une large diversité de produits.

Cette croissance significative est marquée par une stratégie commerciale axée sur le discount agressif, qui attire des millions de consommateurs en quête de bonnes affaires dans des catégories aussi variées que la mode, les jouets, la décoration ou la high-tech. Temu, branche internationale de l’immense plateforme chinoise Pinduoduo fondée en 2015, connaît une percée rapide sur le marché européen, tout comme Shein, la plateforme de mode fondée en 2012, qui s’est imposée comme un symbole de la « fast fashion » en ligne. En dépit de cette expansion, Philippe Wahl a rappelé que le secteur du commerce en ligne en général fait face à une reprise « très lente », avec des marges sous pression, mais reste pour La Poste un « secteur d’avenir ». En effet, l’activité colis représente désormais plus de la moitié du chiffre d’affaires de La Poste, tandis que la part des lettres, service historique de l’entreprise, chute pour atteindre 15% du total des ventes d’ici la fin de l’année.

Mais ce succès croissant des plateformes chinoises ne va pas sans susciter des inquiétudes en Europe. En juin dernier, la Commission européenne a adressé à Temu et Shein une demande d’information pour vérifier leur conformité aux règles de protection des consommateurs dans l’Union. Plusieurs problématiques sont pointées du doigt, notamment l’usage de dispositifs trompeurs, ou « dark patterns », conçus pour manipuler les comportements d’achat, le manque de transparence sur les vendeurs ou encore la protection insuffisante des mineurs. Les pratiques de ces sites font également l’objet d’une surveillance accrue concernant la sécurité des produits : en septembre, six pays européens, dont la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, ont demandé à l’Union européenne de renforcer les contrôles pour limiter les ventes de produits potentiellement dangereux, souvent non conformes aux normes de sécurité de l’UE.

Par ailleurs, Temu et Shein sont critiqués pour leur impact environnemental et social. Shein, en particulier, est fréquemment pointée du doigt pour les conditions de travail dans ses usines et pour l’utilisation de produits chimiques potentiellement dangereux dans la fabrication de ses vêtements. En 2022, des enquêtes avaient révélé que 15% des articles vendus par la plateforme contiendraient des substances toxiques.

Alors que Temu et Shein poursuivent leur expansion en Europe, leur modèle basé sur des prix ultra-compétitifs et des stratégies de marketing agressives pousse La Poste à adapter ses capacités de traitement pour répondre à cette demande accrue. Néanmoins, leur succès soulève des questions de fond sur la régulation des plateformes de e-commerce et la protection des consommateurs, dans un contexte où les géants chinois redéfinissent les standards et les attentes du marché en Europe.

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