C’est un fait inédit au Sénat : le rapport d’une mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Corse a été rejeté par la commission des Lois, faute de majorité. Ce document de 177 pages, porté par la sénatrice LR Lauriane Josende, visait à évaluer les perspectives d’autonomie pour l’île. Mais seuls les sénateurs Les Républicains l’ont soutenu. Les autres groupes ont voté contre ou se sont abstenus, dénonçant un texte jugé trop critique envers la collectivité corse et déconnecté des aspirations nationalistes.
Au cœur de la controverse : Paulu Santu Parigi, sénateur nationaliste de Haute-Corse, accusé de « lobbying malaisant » pour avoir tenté de torpiller le rapport. Si la rapporteure affirme avoir saisi le comité de déontologie du Sénat, l’élu corse se défend vigoureusement de toute pression, affirmant n’avoir fait que « de la politique » pour défendre la vision autonomiste largement soutenue localement. Il reproche en retour à la mission de l’avoir ignoré et d’avoir marginalisé les élus nationalistes.
Ce rejet met en lumière les profondes divisions au sein de la majorité sénatoriale, entre centristes et LR, mais aussi les tensions croissantes entre les représentants corses eux-mêmes. L’échec du rapport affaiblit un processus d’autonomie déjà en difficulté, alors que le gouvernement s’est engagé à réformer la Constitution d’ici fin 2025. Sans consensus parlementaire, le projet risque d’être enterré.
En toile de fond, le rapport pointait les insuffisances de la collectivité corse dans la gestion de certaines compétences, et la persistance de l’influence mafieuse sur l’île. Des constats qui ont heurté l’exécutif corse et renforcé l’opposition au texte. Les partisans de l’autonomie, eux, réclament l’inscription d’un véritable pouvoir législatif dans la Constitution, au nom du suffrage exprimé dans les urnes.
Le débat est donc loin d’être clos. Tandis que l’Assemblée nationale doit publier sa propre mission sur le sujet d’ici fin avril, le flou persiste autour de la réforme. Comme le résume un sénateur sceptique : « On ne peut pas se lancer dans le vide quand on ne sait pas encore plier le parachute. »
