Assemblée nationale : Les ministres élus députés pouvaient-ils voter ?

La question de la participation des ministres élus députés aux votes à l’Assemblée nationale a récemment suscité un débat juridique intense. Jeudi, lors de l’ouverture de la XVIIᵉ législature, ces dix-sept ministres élus députés, dont Gabriel Attal, ont effectivement pris part aux scrutins internes de l’Assemblée, malgré les controverses.

Contexte juridique

L’article 23 de la Constitution française interdit la double fonction de membre du gouvernement et de parlementaire. Cependant, l’article LO153 du code électoral accorde un mois au député nommé ministre pour choisir entre ses deux fonctions. Pendant ce délai, il ne peut participer à aucun scrutin parlementaire ni percevoir d’indemnités en tant que député.

Interprétations divergentes

Le gouvernement avait estimé que les ministres démissionnaires pouvaient participer aux votes, en s’appuyant sur le fait qu’un gouvernement démissionnaire est chargé des affaires courantes, ce qui pourrait les exempter de l’incompatibilité. Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public, soutient cette interprétation, considérant qu’elle pourrait être appliquée.

En revanche, d’autres experts et membres de la classe politique, comme Bruno Retailleau et Marine Le Pen, avaient contesté cette lecture. Ils argumentaient que la participation des ministres députés aux scrutins parlementaires serait une violation de la Constitution. Julien Boudon, professeur de droit public, expliquait que même si le gouvernement est démissionnaire, les ministres ne doivent pas participer aux votes tant qu’ils restent ministres.

Théorie du fonctionnaire de fait

Une autre hypothèse avancée était celle du « fonctionnaire de fait ». Cette vieille jurisprudence administrative valide les actes pris par un fonctionnaire dont la nomination serait irrégulière. Toutefois, cette théorie semble inappropriée dans ce contexte, car elle vise généralement à couvrir une irrégularité, ce qui n’était pas le cas ici puisque le gouvernement avait légitimement démissionné.

Recours possibles

Avec la participation des ministres députés aux votes de jeudi, des recours pourraient être envisagés. L’article 151-2 du code électoral permettrait au Conseil constitutionnel de trancher sur une incompatibilité, mais cette procédure reste incertaine et inédite. Le président de l’Assemblée nationale pourrait également intervenir, selon l’article 7 du règlement de l’Assemblée, pour invalider les votes des ministres députés en cas d’incompatibilité.

Conclusion

La participation des ministres députés aux votes à l’Assemblée nationale lors de l’ouverture de la XVIIᵉ législature demeure un sujet de controverse juridique. La réponse définitive dépendra probablement de l’interprétation des articles constitutionnels et législatifs concernés, ainsi que des décisions éventuelles du Conseil constitutionnel ou du président de l’Assemblée nationale.