Après sept semaines d’audiences, la cour d’assises spéciale de Paris s’apprête ce vendredi 20 décembre à rendre son verdict concernant les huit accusés impliqués, à divers degrés, dans l’assassinat du professeur Samuel Paty en 2020 par Abdoullakh Anzorov, un jeune islamiste radical tchétchène. Ce procès, dont l’issue demeure incertaine, cristallise des attentes élevées tant du côté des parties civiles que de celui de la défense. La décision est attendue à partir de 20 heures.
Le parquet national antiterroriste (Pnat) a requis des peines allant de 18 mois de prison avec sursis à 16 ans de réclusion criminelle. Parmi les huit accusés, âgés de 22 à 65 ans, quatre ont vu leurs charges requalifiées à la baisse. Ainsi, la complicité d’assassinat terroriste, passible de la réclusion criminelle à perpétuité, a été abandonnée dans plusieurs cas.
Naïm Boudaoud, 22 ans, et Azim Epsirkhanov, 23 ans, deux amis du tueur, sont poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste (AMT), un crime passible de 30 ans de réclusion. Ils avaient accompagné Abdoullakh Anzorov pour acheter un couteau la veille de l’attentat et avaient apporté une aide logistique. Le parquet a requis 14 ans de prison pour Boudaoud et 16 ans pour Epsirkhanov, tous deux assortis de périodes de sûreté des deux tiers.
Brahim Chnina, père de la collégienne à l’origine des fausses accusations contre Samuel Paty, et Abdelhakim Sefrioui, un prédicateur islamiste de 65 ans, sont accusés d’avoir orchestré une « campagne de haine » qui a transformé le professeur en cible. Le Pnat a requis 10 ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté des deux tiers contre Chnina et 12 ans contre Sefrioui. Ce dernier, fondateur de l’association pro-Hamas « Collectif Cheikh-Yassine », avait publié une vidéo dans laquelle il qualifiait Samuel Paty de « voyou ». Les avocats des deux hommes ont contesté la qualification d’AMT, arguant de l’absence d’intention terroriste et d’un manque de preuve d’interaction avec le tueur.
Les quatre autres accusés appartiennent à la « djihadosphère » et avaient échangé avec Anzorov sur les réseaux sociaux. Parmi eux, Priscilla Mangel, 36 ans, est poursuivie pour provocation au terrorisme, et Yusuf Cinar, 22 ans, pour apologie du terrorisme. Le parquet a requis respectivement 18 mois de prison avec sursis et un an de prison pour ces infractions requalifiées. Ismaïl Gamaev, 22 ans, seul accusé ayant reconnu ses torts, a vu une peine de 5 ans de prison dont 18 mois avec sursis requise à son encontre. Louqmane Ingar, 22 ans, encourt 3 ans de prison, dont 2 ans avec sursis.
La sentence risque de susciter des réactions mitigées. Les parties civiles, représentées notamment par les proches de Samuel Paty, jugent les réquisitions du parquet trop clémentes. De leur côté, les avocats des accusés continuent de contester l’intention terroriste qui leur est prêtée, plaidant parfois pour des acquittements. Le délibéré, attendu dans la soirée, pourrait ainsi laisser place à des débats passionnés dans un contexte encore marqué par l’émotion suscitée par ce drame national.