« Ce que j’ai fait est irréparable », a déclaré Brahim Chnina devant la cour d’assises spéciale de Paris, ce lundi 2 décembre, lors de son interrogatoire dans le cadre du procès de l’assassinat de Samuel Paty. Accusé d’association de malfaiteurs terroriste, cet homme de 52 ans, père de la collégienne à l’origine des rumeurs ayant visé le professeur d’histoire-géographie, a exprimé des regrets tout en cherchant à se dédouaner partiellement de la gravité des événements.
En octobre 2020, la fille de Brahim Chnina avait accusé Samuel Paty d’avoir montré en classe des caricatures de Mahomet tout en demandant aux élèves musulmans de sortir. Une histoire qui s’est révélée être un mensonge, la jeune fille n’ayant pas assisté à ce cours. Ce récit fabriqué avait poussé son père à diffuser des vidéos dénonçant le professeur, le qualifiant notamment de « voyou ». Il avait également partagé le nom de Samuel Paty et l’adresse de son collège, une démarche qui avait déclenché une campagne de haine virulente en ligne.
Ces actes sont reprochés à Brahim Chnina, jugé pour avoir participé à une dynamique ayant conduit au meurtre atroce du professeur, décapité par Abdoullakh Anzorov, un jeune islamiste tchétchène, le 16 octobre 2020.
« J’ai cru ma fille à 100 % »
Lors de son audience, Brahim Chnina a affirmé regretter « infiniment » d’avoir cru aveuglément sa fille. « Elle a fait une faute, et moi j’en ai fait autant », a-t-il reconnu, tout en niant toute intention malveillante. Il a expliqué que sa perception initiale était celle d’un enseignant discriminant les élèves musulmans, sentiment renforcé par ses propres expériences de discrimination.
Dans ses déclarations, il a toutefois minimisé son rôle en affirmant n’avoir jamais eu l’intention de nuire à Samuel Paty : « Je ne suis pas un terroriste. Je regrette que tout cela ait mal tourné. » Les regrets, exprimés à plusieurs reprises, ont été adressés à la famille de la victime.
Brahim Chnina a insisté sur l’influence d’Abdelhakim Sefrioui, un prédicateur islamiste co-accusé dans ce procès, qu’il avait sollicité pour intervenir auprès du collège. « Sans Sefrioui, ça ne se serait pas passé comme ça », a-t-il déclaré, tout en assumant sa responsabilité personnelle. Le prédicateur sera entendu dans les jours à venir.
Il a également pointé du doigt la principale du collège, affirmant que si elle lui avait révélé plus tôt que sa fille avait menti, les événements auraient pu être évités.
Une position ambiguë
Malgré ses excuses, l’accusé semble osciller entre la reconnaissance de ses torts et une tendance à rejeter la faute sur d’autres. Son lien avec Abdoullakh Anzorov, l’assassin de Samuel Paty, a été soulevé lors de l’enquête : neuf contacts téléphoniques ont été recensés entre les deux hommes peu avant l’attentat. Brahim Chnina a toutefois nié tout échange significatif avec lui.
Le procès, qui doit durer jusqu’au 20 décembre, s’inscrit dans une quête de justice pour Samuel Paty, symbole des atteintes à la liberté d’expression et aux valeurs de la République. Brahim Chnina, qui encourt jusqu’à 30 ans de réclusion criminelle, a conclu son interrogatoire en déclarant : « Peu importe la sentence que vous allez me mettre, je suis atteint à vie. »