Asile pour toutes les femmes afghanes : la Cour de justice de l’UE rend une décision historique

Entrevue 1

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu, ce vendredi 4 octobre, une décision historique qui ouvre un accès généralisé au statut de réfugié pour toutes les femmes afghanes au sein de l’Union européenne. Cet arrêt s’appuie sur le constat que les mesures discriminatoires systématiques imposées aux femmes par les talibans constituent en elles-mêmes une persécution suffisante pour justifier l’octroi de l’asile.

Les femmes afghanes reconnues comme réfugiées en raison de leur sexe et nationalité

La CJUE, qui siège à Luxembourg, a jugé que les autorités des États membres peuvent accorder l’asile aux femmes afghanes sans qu’il soit nécessaire de prouver qu’elles risquent spécifiquement de subir des persécutions en cas de retour dans leur pays. « La seule prise en considération de leur nationalité et de leur sexe est suffisante », a affirmé la Cour, répondant à une demande de la Cour administrative autrichienne après le refus des autorités de reconnaître le statut de réfugiées à deux femmes afghanes.

La Cour a rappelé que des pratiques telles que le mariage forcé, assimilable à une forme d’esclavage, et l’absence de protection contre les violences sexistes et domestiques, sont des actes de persécution. Plus largement, l’effet cumulé et l’application délibérée de mesures discriminatoires ont pour conséquence flagrante de dénier aux femmes afghanes leurs droits fondamentaux liés à la dignité humaine.

Une décision applicable à l’échelle européenne

Bien que chaque État membre reste souverain quant à la décision d’accorder l’asile, les arrêts de la CJUE sont amenés à faire jurisprudence. Certains pays, tels que la Suède, la Finlande et le Danemark, accordaient déjà le statut de réfugiées aux femmes afghanes. En France, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) avait statué en juillet dernier que l’ensemble des femmes afghanes pouvaient être considérées comme un « groupe social » éligible à l’asile.

Depuis leur retour au pouvoir en août 2021, les talibans ont imposé un « apartheid de genre », selon l’ONU. Les femmes et les filles afghanes se sont vu interdire l’accès à l’éducation au-delà de l’école primaire, ainsi qu’aux lieux publics tels que les parcs, les salles de sport et les salons de beauté. Elles sont soumises à des restrictions strictes de déplacement et doivent être accompagnées d’un chaperon, tandis qu’une récente loi leur interdit de s’exprimer publiquement.

Les réactions à cette décision

Yelena Tomitch de RFI a recueilli la réaction de Shoukria Haida, présidente de l’association NEGAR, qui soutient les femmes afghanes depuis sa création en 1996, lors de la première prise de Kaboul par les talibans. Pour elle, cette décision est une reconnaissance bienvenue des souffrances des femmes afghanes : « C’est une décision humaine de reconnaître enfin les misères de ces femmes et toutes les difficultés qu’elles vivent. Au moins pour celles qui se trouvent sur le territoire européen, qui ont pu s’échapper et arriver jusqu’ici », a-t-elle déclaré.

Shoukria Haida a également exprimé sa colère et son désarroi face à la situation des femmes restées en Afghanistan. Elle a qualifié leur vie de « prison ouverte » et lancé un appel aux consciences pour débarrasser le pays de l’emprise des talibans. « Ce sera la même chose pour les générations suivantes si on ne fait rien pour nous débarrasser des talibans », a-t-elle averti, appelant à des actions concrètes de la part des autorités européennes pour mettre fin à cette « barbarie ».

Vers une reconnaissance des droits fondamentaux des femmes afghanes

Cette décision de la Cour de justice de l’Union européenne représente une avancée significative dans la reconnaissance des droits des femmes afghanes. Elle montre la volonté de l’Europe de protéger celles qui ont réussi à échapper à la répression talibane, tout en soulignant l’urgence de la situation de millions de femmes toujours privées de leurs droits fondamentaux en Afghanistan.

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