Apple perd 1 milliard de dollars par an dans le streaming : pourquoi ses séries ne fonctionnent-elles pas ?

Apple perd 1 milliard de dollars par an dans le streaming : pourquoi ses séries ne fonctionnent-elles pas ?

Malgré des investissements colossaux et des séries primées, Apple TV+ peine toujours à s’imposer et perdrait jusqu’à 1 milliard d’euros par an, selon les estimations.

D’après The Information, Apple perdrait 1 milliard de dollars (923 millions d’euros) chaque année sur son service de streaming. Alors que le dernier épisode de la saison 2 de sa série à succès Severance est diffusé cette semaine, c’est un constat accablant pour le concurrent de Netflix lancé par le géant de la tech.

Deux sources proches du dossier ont confirmé que la firme consacre environ 5 milliards de dollars (4,62 milliards d’euros) par an à Apple TV+ depuis son lancement en 2019.

Malgré ces investissements massifs, la base d’abonnés d’Apple TV+ reste bien inférieure à celle de ses rivaux. En dépit du succès critique de séries comme Severance ou Ted Lasso, Apple reste à la traîne face à Netflix, Amazon Prime Video et Disney+.

Netflix domine avec plus de 300 millions d’abonnés. Amazon Prime Video, avec un modèle légèrement différent (accès à des contenus à la demande sans abonnement), est estimé à environ 200 millions d’abonnés, tandis que Disney+ compte environ 125 millions.

Apple ne communique pas officiellement le nombre d’abonnés à Apple TV+, car il est intégré à ses autres services comme Apple Pay. Mais selon The Information, le chiffre serait de seulement 45 millions d’abonnés.

Pour une entreprise de l’envergure d’Apple, ce résultat est préoccupant : quelque chose ne fonctionne pas dans sa stratégie de streaming.

Des contenus de qualité… mais sans impact

Et ce ne sont pas les moyens qui manquent. Severance, une série de science-fiction noire sur des employés de bureau dont la conscience est divisée entre vie professionnelle et personnelle, a été nominée à 14 Emmy Awards après sa première saison en 2022. Produite par Ben Stiller, la série a immédiatement été saluée au même niveau que The White Lotus ou Adolescence.

Apple a également connu le succès avec Ted Lasso, une comédie sportive optimiste, et The Morning Show, une satire du journalisme télé. Selon Tim Cook, PDG d’Apple, les programmes originaux d’Apple TV+ ont obtenu plus de 2 500 nominations et 538 prix.

Côté cinéma, Apple n’est pas en reste. Le film CODA a remporté l’Oscar du meilleur film, et la plateforme a ensuite financé des œuvres ambitieuses de grands réalisateurs comme Martin Scorsese (Killers of the Flower Moon), Ridley Scott (Napoléon) et Steve McQueen (Blitz).

Pourtant, cet impressionnant palmarès ne se traduit pas en abonnements. Apple voit ses milliards s’évaporer sans retour clair sur investissement.

L’absence de « Water Cooler TV »

Un problème majeur réside dans le manque d’impact culturel des séries Apple TV+. Des stars de renom signent des projets coûteux, mais ils sont lancés avec peu de communication, ne suscitant pas l’engouement public qu’on retrouve avec un lancement HBO, par exemple.

Dans le jargon, on parle de « Water Cooler TV », ces séries qui provoquent des discussions passionnées dans les bureaux le lendemain de la diffusion. HBO en est un maître avec des séries comme The Sopranos, Breaking Bad ou Succession, diffusées à un rythme hebdomadaire qui favorise l’anticipation et l’échange.

Severance est la première série Apple à s’approcher de ce niveau d’influence culturelle. Son intrigue énigmatique et ses cliffhangers ont captivé le public semaine après semaine.

Mais c’est une exception. De nombreuses autres séries d’Apple, pourtant prometteuses, sont passées inaperçues.

L’an dernier, Apple lançait Disclaimer, la première série télé d’Alfonso Cuarón (oscarisé), avec Cate Blanchett. Présentée à la Mostra de Venise, elle n’a pourtant suscité aucun enthousiasme.

Les adaptations de romans populaires comme Lessons in Chemistry, Pachinko ou Shantaram n’ont pas réussi à créer le buzz. Même Masters of the Air, suite spirituelle de Band of Brothers, n’a pas décollé. Pire encore, Apple a agacé les fans en annulant prématurément certaines séries comme la comédie musicale Schmigadoon! après seulement deux saisons.

Et côté cinéma ?

Comme pour les séries, les plateformes de streaming restent discrètes sur les chiffres d’audience. Mais les données de box-office permettent un aperçu.

Par exemple, Killers of the Flower Moon a rapporté 158,8 millions de dollars dans le monde, alors que son budget avoisinait 215 millions. Un échec commercial.

Napoléon, avec 221,4 millions de dollars générés pour 200 millions de budget, s’en sort un peu mieux, bien que les analystes estiment qu’il n’a pas atteint le seuil de rentabilité. Apple, de son côté, maintient qu’il a été rentable.

Ces films, contrairement à d’autres projets streaming, ont bénéficié d’une sortie en salles avant d’arriver sur Apple TV+, mais cela n’a pas suffi à en faire des blockbusters.

Malgré cela, Apple ne baisse pas les bras. Cette année, plusieurs projets très attendus sont prévus : un film sur la Formule 1 réalisé par Joseph Kosinski (Top Gun : Maverick), ainsi que de nouveaux films de Guy Ritchie, de Spike Lee et de Paul Greengrass.

Une incertitude persistante

Les difficultés d’Apple à créer un impact culturel ne lui sont pas uniques. Netflix aussi peine à maintenir l’attention du public : une série peut susciter un immense intérêt à sa sortie, puis tomber dans l’oubli en quelques jours.

Mais avec Severance, officiellement renouvelée pour une saison 3, Apple pourrait bien amorcer un changement.

Reste à savoir si ce pari financier colossal finira par porter ses fruits, ou si le streaming restera une plaie ouverte dans le modèle économique d’Apple.

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