À 45 ans, Alice Weidel incarne les ambitions nouvelles de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), un parti d’extrême droite qui ne cache plus son aspiration à gouverner. Investie candidate à la chancellerie pour les élections législatives de février 2025, cette économiste, au parcours atypique, défie les stéréotypes.
Un profil hors norme dans son camp
Alice Weidel se démarque au sein de l’AfD par son profil singulier : lesbienne, en couple avec une femme d’origine sri-lankaise et mère de deux enfants adoptés, elle réside en Suisse. Malgré une vie privée qui pourrait sembler en contradiction avec les positions conservatrices de son parti, elle s’est imposée comme une figure clé de l’AfD depuis sa fondation en 2013.
Son ascension politique est d’autant plus notable qu’elle appartient à la branche dite « modérée » de l’AfD. Selon Wolfgang Schroeder, professeur à l’Université de Cassel, cette faction cherche à se positionner comme une alternative crédible aux conservateurs traditionnels, contrairement à l’aile radicale du parti, plus ethno-nationaliste et autoritaire.
Diplômée en économie, Alice Weidel a travaillé pour la banque Goldman Sachs et a vécu en Chine ainsi qu’aux États-Unis. Elle parle couramment le mandarin, un atout rare parmi les cadres de l’AfD. Issue d’un milieu aisé, cette ancienne membre du Parti libéral-démocrate (FDP) admire Margaret Thatcher, dont elle revendique l’héritage économique.
Cependant, pour asseoir sa légitimité dans les bastions de l’ex-RDA, où l’AfD réalise ses meilleurs scores, elle a abandonné ses critiques passées à l’encontre de figures plus radicales du parti, comme Björn Höcke, souvent associé à des idées homophobes et anti-migrants.
Pour les élections de février, Alice Weidel a adopté un discours résolument nationaliste, prônant une sortie de l’Union européenne, une politique migratoire stricte, et une défense des valeurs chrétiennes et conservatrices. Elle n’hésite pas à provoquer : en 2018, elle avait qualifié les réfugiés de « femmes voilées, hommes armés de couteaux, vivant au crochet de la société ».
Cette rhétorique tranche avec son image personnelle. Bien qu’elle ne cache pas son homosexualité, Alice Weidel s’oppose aux revendications LGBTQIA+, affirmant qu’elle ne souhaite pas que sa vie privée interfère avec son positionnement politique. « Je ne tolérerai aucune ingérence dans ma vie ou dans ma famille », a-t-elle déclaré récemment.
L’AfD en quête de crédibilité
Avec environ 19 % des intentions de vote, l’AfD se positionne comme la deuxième force politique d’Allemagne, derrière les conservateurs de la CDU/CSU (30 %) et devant les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz. Cependant, le parti reste isolé : aucune autre formation n’envisage une alliance avec l’extrême droite.
Pour Wolfgang Schroeder, Weidel manque encore d’expérience face à des figures comme Marine Le Pen ou Giorgia Meloni, respectivement en France et en Italie. Tandis que ces dernières ont œuvré à « dédiaboliser » leur image, l’AfD et Alice Weidel maintiennent une posture antisystème, parfois clivante.
Le positionnement radical de l’AfD a également éloigné ses homologues européens. En 2024, une série de scandales, notamment autour de propositions d’expulsions massives d’étrangers, a scellé la rupture avec le Rassemblement National en France.
Malgré tout, Alice Weidel espère incarner le visage d’une AfD prête à gouverner. Son investiture marque un tournant pour le parti, qui, pour la première fois, présente une candidature à la chancellerie. Reste à savoir si cette ambition suffira à briser l’isolement politique de l’AfD.