Affaire du secret défense : Ariane Lavrilleux échappe à des poursuites judiciaires

Entrevue 1

Le 17 janvier 2025, un immense soulagement a envahi la journaliste Ariane Lavrilleux après une convocation devant la justice. Elle a échappé à une mise en examen dans le cadre d’une enquête portant sur le secret défense, en lien avec une opération militaire secrète de la France en Égypte, dont les révélations avaient alimenté la polémique. La journaliste, qui avait déjà été placée en garde à vue et perquisitionnée en 2023, a été placée sous le statut de témoin assisté, un statut qui l’exonère de poursuites, à moins qu’il n’évolue à l’issue de la procédure.

Ariane Lavrilleux a exprimé sa satisfaction après son interrogatoire de trois heures. Dans une déclaration à l’AFP, elle a souligné que ce statut de témoin assisté était dû à l’importance publique de son enquête, qui avait révélé des aspects jusque-là cachés des relations militaires entre la France et l’Égypte. « L’absence de preuves graves et concordantes à mon encontre a été reconnue », a-t-elle précisé, rappelant que ses révélations n’avaient jamais compromis la sécurité nationale ni mis en danger les militaires français.

Au cœur de cette affaire se trouvent des articles publiés par le média Disclose, en collaboration avec l’émission Complément d’enquête (France 2). Ces investigations, commencées en 2019, ont mis en lumière les ventes d’armement français à des régimes autoritaires, ainsi qu’une opération militaire française en Égypte qui aurait été détournée par le gouvernement égyptien pour cibler des opposants. Ce détournement présumé a suscité un scandale en raison de son implication dans des atteintes aux droits de l’homme.

Dans un contexte de tensions croissantes sur la liberté de la presse, cette affaire a révélé les méthodes employées pour tenter d’identifier les sources des journalistes. Ariane Lavrilleux a dénoncé des pratiques particulièrement intrusives, évoquant la géolocalisation de son téléphone pendant près d’un mois et la surveillance de ses déplacements privés et professionnels. Elle a critiqué l’usage disproportionné de moyens de la lutte antiterroriste pour une enquête de presse, visant à découvrir l’origine des fuites sur des sujets d’intérêt public.

Les soutiens à la journaliste se sont mobilisés, et plusieurs organisations de presse ont demandé une réforme législative pour mieux protéger les journalistes. Parmi elles, Reporters sans frontières (RSF) et des syndicats comme le SNJ et la CFDT, qui ont insisté sur l’insuffisance des protections actuelles pour les sources des journalistes face à l’abus de la loi Dati, qui permet des perquisitions et des poursuites pour divulgation du secret défense. La ministre de la Culture, Rachida Dati, a promis un renforcement de cette protection.

L’affaire Lavrilleux n’est pas isolée : d’autres journalistes, comme Alex Jordanov et Philippe Miller, ont déjà été soumis à des procédures similaires ces dernières années. Pour Ariane Lavrilleux, cette victoire judiciaire n’est pas synonyme de fin de combat. Elle a répété qu’il était nécessaire de réformer une loi qui permet selon elle des abus à l’encontre de la liberté d’informer.

Cette affaire soulève une question fondamentale : la liberté de la presse peut-elle résister face à des impératifs de sécurité nationale qui ne cessent de se renforcer ? Le combat pour la protection des sources des journalistes semble être plus crucial que jamais.

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