Affaire des assistants parlementaires : un « système organisé » pour financer le RN, selon le parquet

13 novembre, 2024 / Entrevue

Au Tribunal judiciaire de Paris, les procureurs ont débuté ce mercredi leur réquisitoire dans l’affaire des assistants parlementaires européens du Rassemblement National (RN). Ce procès, qui a commencé il y a un mois et demi, concerne Marine Le Pen, le parti RN et 24 autres prévenus, accusés d’avoir rémunéré avec des fonds européens des assistants parlementaires travaillant en réalité pour le parti, et non pour les eurodéputés.

Louise Neyton, l’une des deux procureures en charge du dossier, a introduit ce réquisitoire en écartant toute idée d’acharnement ou de dénonciation ciblée, rappelant que cette procédure judiciaire était le fruit d’une « longue information judiciaire ». La magistrate a décrit un « système organisé par la direction du parti et au service des intérêts du RN » mis en place entre 2004 et 2016. Selon elle, ce dispositif visait à réduire les charges financières du RN en utilisant des fonds européens pour salarier des assistants fictifs.

Un « système » renforcé par Marine Le Pen

L’accusation affirme que le « système » s’est intensifié dès l’arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti en 2011, avec la mise en place d’un gestionnaire de contrats européens, qui répondait directement à elle. Ce dispositif aurait permis de diriger les enveloppes de financement allouées aux députés européens vers des missions internes au RN, à un moment où le parti faisait face à des difficultés financières importantes. Des échanges de courriels de 2014 cités par l’accusation montrent comment les fonds étaient « optimisés », les enveloppes des députés étant systématiquement redistribuées pour le bénéfice du parti. Dans ces messages, des termes comme « montages financiers » et « transferts » d’assistants d’un député à l’autre apparaissent, avec des choix laissés aux eurodéputés quant à la gestion de ces enveloppes.

Témoignages et preuves limitées

Les procureurs ont également évoqué une réunion de juin 2014 à Bruxelles, où Marine Le Pen aurait demandé aux nouveaux eurodéputés de ne recruter qu’un seul assistant parlementaire chacun, réservant le reste de leurs enveloppes au parti. Marine Le Pen conteste cette version, la qualifiant de « mensonge ». Cependant, l’accusation estime que les témoignages recueillis auprès d’eurodéputés corroborent cette pratique.

Le second procureur, Nicolas Barret, a synthétisé le cas autour d’une « question simple » : les assistants travaillaient-ils pour leur député ou pour le parti ? À ses yeux, « l’absence de documents prouvant des travaux pour les eurodéputés » est éloquente.

Enjeux judiciaires et politiques

Le Parlement européen, ayant estimé le préjudice financier total à 4,5 millions d’euros, réclame un remboursement de 3,4 millions, le reste ayant déjà été remboursé. Marine Le Pen, qui risque jusqu’à dix ans de prison, un million d’euros d’amende et une peine d’inéligibilité, a alerté sur les répercussions d’une éventuelle condamnation, qui pourrait compromettre sa candidature à l’élection présidentielle de 2027. Elle a souligné les conséquences politiques d’une telle décision pour les millions d’électeurs ayant voté pour le RN.

Après ce réquisitoire, le procès se poursuivra avec les plaidoiries de la défense, prévues pour durer deux semaines.