Adhésion à l’UE ou rapprochement avec la Russie : la Moldavie face à son avenir

Entrevue 1

Ce dimanche 20 octobre 2024 marque un jour crucial pour la Moldavie, alors que les électeurs sont appelés à trancher entre une orientation résolument pro-européenne ou un rapprochement avec la Russie. Cette double élection — présidentielle et référendaire — se déroule dans un climat tendu, sur fond de guerre en Ukraine et de soupçons d’ingérence russe.

La présidente sortante, Maia Sandu, fait figure de favorite dans cette élection présidentielle. Économiste de 52 ans et première femme à occuper la plus haute fonction du pays, Sandu est connue pour son intégrité et son engagement en faveur de l’Union européenne. Sous sa présidence, la Moldavie a officiellement entamé des négociations d’adhésion à l’UE en juin 2024, et elle espère inscrire cet objectif européen dans la Constitution à travers le référendum organisé ce même jour. Le scrutin référendaire s’annonce décisif : l’inscription de cet objectif dans la loi fondamentale renforcerait la voie pro-européenne du pays. Cependant, le taux de participation devra atteindre au moins 33 % pour que le vote soit validé, une condition que les partis prorusses cherchent à faire échouer par un appel au boycott.

Les défis du vote : corruption et ingérence russe

Depuis plusieurs mois, les autorités moldaves ont intensifié la lutte contre la corruption et les tentatives de sabotage du processus électoral. Des centaines de perquisitions ont été menées, mettant en lumière des pratiques massives d’achat de votes financées par la Russie. Ilan Shor, oligarque moldave réfugié à Moscou après sa condamnation pour fraude, est accusé d’avoir déboursé des millions d’euros pour influencer jusqu’à 300 000 électeurs. Selon la police, ces paiements étaient destinés à inciter les Moldaves à voter contre l’adhésion à l’UE et contre Maia Sandu.

Cette « guerre hybride », selon les termes des autorités moldaves, combine désinformation, influence politique et exploitation des vulnérabilités économiques du pays. Moscou a été accusée de diffuser de faux documents et des rumeurs sur les conséquences d’une adhésion à l’UE, notamment des affirmations selon lesquelles l’Europe imposerait des politiques contraires aux « valeurs traditionnelles », y compris la promotion des droits LGBT+, un argument de poids pour certains électeurs orthodoxes.

Un choix entre deux visions du futur

Pour une grande partie de la population moldave, l’adhésion à l’Union européenne est synonyme d’espoir et de prospérité. Des électeurs comme Zinaida Ciobotari, une travailleuse agricole de 60 ans, voient dans ce rapprochement avec l’UE « une chance pour la paix et pour l’avenir de leurs enfants ». Cependant, une frange importante de la population, notamment ceux qui se souviennent de l’époque soviétique, reste attachée aux liens historiques avec la Russie.

La Russie mise sur ces divisions et sur l’insécurité économique persistante pour maintenir la Moldavie dans sa sphère d’influence. Le pays, parmi les plus pauvres d’Europe, a été durement touché par l’inflation et la crise énergétique. Nombreux sont ceux qui, comme Mikhaïl, craignent que l’adhésion à l’UE aggrave les tensions avec Moscou et entraîne le pays dans le conflit ukrainien.

Maia Sandu face à l’opposition prorusse

Maia Sandu, créditée d’environ 36 % des intentions de vote, devrait affronter un second tour le 3 novembre contre des candidats soutenus par la Russie, comme Alexandr Stoianoglo, ancien procureur général prorusse. Sandu a promis de poursuivre ses réformes malgré la lenteur du progrès en matière de lutte contre la corruption et la réforme judiciaire, deux enjeux majeurs de son mandat.

Pour Sandu et son camp, ce scrutin est une véritable épreuve de force. Elle a martelé durant la campagne que le référendum est une chance historique pour ancrer la Moldavie dans la famille européenne et garantir la prospérité. Mais l’influence russe, omniprésente, pourrait peser lourdement sur l’issue de ce double vote.

Un enjeu stratégique pour l’Europe et la Russie

L’élection moldave revêt une importance géopolitique bien au-delà de ses frontières. Pour l’Europe, l’intégration de la Moldavie constituerait une victoire symbolique dans son bras de fer avec la Russie, à l’image de la situation ukrainienne. Mais un tel rapprochement risque d’attiser encore davantage les tensions avec Moscou, qui voit d’un très mauvais œil l’expansion de l’influence européenne sur les anciennes républiques soviétiques.

La Moldavie est ainsi à la croisée des chemins, entre l’aspiration à un avenir européen et les tentations de retourner dans l’orbite russe. Pour les électeurs moldaves, le choix de ce 20 octobre pourrait déterminer le destin de leur pays pour des décennies à venir.

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