Le procès de quatre journalistes russes accusés de collaboration avec l’organisation de l’opposant Alexeï Navalny, classée « extrémiste », a débuté mercredi 2 octobre 2024 à Moscou. Cette affaire intervient dans un contexte de répression accrue en Russie, où la liberté de la presse et les opposants politiques sont de plus en plus muselés.
Le procès à huis clos de quatre journalistes
La juge Natalia Borissenkova a ordonné que le procès se déroule à huis clos, une pratique courante en Russie pour des affaires sensibles de ce type. Les journalistes sont accusés d’avoir collaboré avec la Fondation de lutte contre la corruption (FBK) de Navalny, organisation interdite et classée « extrémiste » depuis 2021. Ces accusations d’« extrémisme » peuvent leur valoir jusqu’à six ans de prison.
Les accusés sont la photojournaliste Antonina Kravtsova, connue sous le nom d’Antonina Favorskaïa, qui couvrait les procès de Navalny pour SOTAvision, un média documentant la répression depuis la Russie ; Sergueï Kareline, ancien collaborateur de Reuters ; Konstantin Gabov, qui a travaillé pour Associated Press ; et Artiom Krieger, journaliste à SOTAvision. Tous sont accusés d’avoir travaillé pour l’organisation anticorruption de Navalny, notamment en réalisant des vidéos dénonçant la corruption.
Le procès reflète la volonté des autorités russes de poursuivre non seulement les proches alliés de Navalny, mais également des collaborateurs moins directs. Le mouvement de l’opposant, mort en détention en février 2024, a été méthodiquement démantelé par les autorités. La pression sur les derniers médias indépendants a été considérablement renforcée ces derniers mois, en parallèle de la répression des voix critiques de l’offensive russe en Ukraine.
Antonina Kravtsova a été arrêtée une première fois le 17 mars, peu après avoir filmé la dernière apparition de Navalny lors d’une audience en février et déposé des fleurs sur sa tombe. Avant le début du procès, elle a déclaré aux journalistes : « Souvenez-vous, les ténèbres qui nous entourent ne dureront pas toujours. Il y a toujours de l’espoir. » Elle a exprimé l’espoir de voir un jour le pays dont rêvait Alexeï Navalny.
Répression et recommandations de quitter la Russie
Artiom Krieger a, quant à lui, appelé les journalistes présents à « quitter la Russie » pour éviter de finir en prison pour des raisons arbitraires, qualifiant la décision de huis clos du juge de démarche « digne d’un régime totalitaire ». Krieger, qui avait déjà été détenu en septembre 2022 pour avoir couvert une manifestation contre la mobilisation militaire, est également le neveu de Mikhaïl Kriger, un critique du président Vladimir Poutine condamné en 2023 à sept ans de prison.
Sergueï Kareline a été arrêté lors d’un voyage dans le nord de la Russie, malgré sa double nationalité russo-israélienne. Sa sœur, Olga Karelina, a expliqué que la peur d’assister à ce type de procès est compréhensible, au vu des lourdes peines encourues par les journalistes et opposants en Russie.
Les autorités russes ont accru leur répression contre les journalistes ces dernières années. Plusieurs reporters ont été condamnés à de longues peines de prison pour diverses accusations. En juillet dernier, le journaliste américain Evan Gershkovich, correspondant du Wall Street Journal, avait été condamné à 16 ans de prison pour espionnage, avant d’être libéré en août dans le cadre d’un échange de prisonniers entre la Russie et les pays occidentaux.
Parallèlement, les avocats d’Alexeï Navalny ne sont pas épargnés. Trois d’entre eux, Alexeï Liptser, Igor Sergounine et Vadim Kobzev, sont actuellement jugés en Russie, également pour des accusations d’« extrémisme ».
La situation en Ukraine : retrait de Vuhledar
Sur le plan militaire, la journée du 2 octobre a également été marquée par le retrait des troupes ukrainiennes de la ville de Vuhledar, dans le sud de la région de Donetsk. Ce retrait fait suite à de longs mois d’intenses combats dans la zone. La perte de cette localité, située à la jonction des fronts est et sud, soulève la question de la solidité des défenses ukrainiennes face aux forces russes.
L’Ukraine enquête par ailleurs sur l’exécution présumée de 16 prisonniers de guerre par les forces russes près de Pokrovsk, une affaire qualifiée de « politique délibérée » par le parquet général ukrainien. Ces événements rappellent l’ampleur des violences commises dans ce conflit qui perdure depuis février 2022.
Ce procès contre les journalistes russes illustre une nouvelle fois l’ampleur de la répression orchestrée par le Kremlin contre les voix critiques. Alors que le pays est en pleine offensive militaire contre l’Ukraine, les médias indépendants et les opposants politiques paient un lourd tribut pour leurs activités, souvent accusés d’« extrémisme » dans un contexte où le contrôle sur la liberté d’expression et la société civile ne cesse de se renforcer.