La finalisation des négociations autour de l’accord commercial UE-Mercosur marque un tournant historique pour l’Union européenne. Annoncé par Ursula von der Leyen le 6 décembre 2024 à Montevideo, cet accord concerne les échanges entre l’UE et les pays du Mercosur – Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay, et désormais la Bolivie. Si certains États européens y voient une avancée majeure, la France dénonce un pacte déséquilibré, menaçant son agriculture et sa souveraineté alimentaire. Retour sur un accord qui divise.
Une aubaine pour l’Allemagne et l’Espagne
Du côté de Berlin, l’enthousiasme est palpable. Pour l’Allemagne, cet accord constitue un « coup de pouce essentiel » à son économie, notamment dans un contexte de ralentissement industriel. Près de 12 500 PME allemandes exportent déjà vers le Mercosur, un marché de 280 millions de consommateurs qui s’élargit avec cet accord. Les économies annuelles sur les droits de douane – estimées à 4 milliards d’euros – devraient également bénéficier à l’industrie espagnole, qui a soutenu activement les négociations.
L’ouverture des marchés publics sud-américains offre une opportunité inédite aux entreprises européennes, notamment dans les secteurs du BTP, de l’ingénierie, et des services. À cela s’ajoutent des engagements forts sur la sécurisation des matières premières critiques comme le nickel et le cuivre, essentiels pour les transitions industrielles et écologiques en Europe.
La France, grande perdante, dénonce un « coup de poignard »
En revanche, Paris déplore un accord qui, selon l’Élysée, fragilise l’agriculture européenne tout en exacerbant les tensions environnementales. Les agriculteurs français s’inquiètent particulièrement des importations de viande bovine sud-américaine – limitées à 99 000 tonnes par an mais assorties de droits de douane très réduits. Si la Commission européenne promet un fonds de réserve d’un milliard d’euros pour soutenir les agriculteurs impactés, le scepticisme reste de mise.
L’accord UE-Mercosur constitue une menace dramatique pour l’agriculture française, pilier de notre identité et de notre souveraineté alimentaire. En ouvrant nos marchés à des produits agricoles issus de pays où les normes sont bien moins strictes, cet accord sacrifie nos éleveurs sur l’autel de la mondialisation. Les importations massives de viande bovine, avicole et de sucre à bas coût risquent de faire s’effondrer les prix, plongeant des milliers d’exploitations françaises déjà fragilisées dans une crise sans précédent. De plus, ces produits, souvent issus de pratiques intensives et controversées comme l’utilisation de pesticides interdits en Europe ou d’hormones de croissance, arrivent en contradiction totale avec les standards environnementaux et sanitaires que nous défendons. Tandis que l’Amazonie continue de brûler pour répondre à ces nouvelles opportunités commerciales, nos campagnes françaises se vident et nos territoires ruraux sombrent dans la détresse économique et sociale. Cet accord n’est pas seulement une menace économique : il symbolise une trahison des valeurs françaises et une abdication face aux dérives de la mondialisation aveugle et de la domination fédérale de Bruxelles sur les états membres de l’Union européenne.
« Ce texte est inacceptable en l’état », a martelé Emmanuel Macron lors d’un échange avec Ursula von der Leyen. À ses yeux, les concessions environnementales du Mercosur – comme l’engagement à stopper la déforestation illégale d’ici 2030 – ne suffisent pas à garantir un commerce équitable et durable. L’Élysée rappelle que l’accord n’est pas encore ratifié et promet de « défendre sans relâche » la souveraineté alimentaire européenne.
Le timing de l’annonce a exacerbé les tensions. En pleine crise politique en France, marquée par une motion de censure contre le gouvernement Barnier, Ursula von der Leyen est accusée d’avoir profité de cette fragilité pour accélérer les négociations. En signe de mécontentement, Emmanuel Macron aurait personnellement décidé de ne pas inviter la présidente de la Commission européenne à l’inauguration de Notre-Dame de Paris, où de nombreuses personnalités internationales étaient attendues, dont Donald Trump et Volodymyr Zelensky.
Un chemin semé d’embûches
Bien que finalisé, l’accord UE-Mercosur doit encore franchir plusieurs étapes avant son entrée en vigueur. S’il est probable que la Commission scinde le texte en deux – permettant une entrée en vigueur immédiate de son volet commercial sans l’approbation des parlements nationaux –, le volet politique nécessitera l’aval des 27 États membres. La France, alliée à la Pologne et à l’Italie, tente de constituer une minorité de blocage pour entraver le processus.
Malgré les divisions, l’accord inclut des innovations notables, comme la protection de 350 indications géographiques européennes ou des clauses environnementales juridiquement contraignantes. Cependant, ces avancées ne suffisent pas à apaiser les critiques en France, où la signature de l’accord est perçue comme une menace pour l’agriculture et les normes sanitaires européennes.
L’accord UE-Mercosur illustre les fractures au sein de l’UE, entre des États membres cherchant à renforcer leur compétitivité et d’autres, comme la France, soucieux de préserver leur souveraineté alimentaire et leurs normes environnementales.