Accord Mercosur : pourquoi la France reste fermement opposée ?

17 novembre, 2024 / Entrevue

L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur continue de susciter des tensions diplomatiques et économiques. En déplacement en Amérique du Sud, Emmanuel Macron multiplie les efforts pour défendre les intérêts français, notamment ceux des agriculteurs, tout en maintenant la pression sur les objectifs climatiques. Mais l’opposition française à cet accord se heurte à une volonté européenne et internationale d’aller de l’avant.

Une opposition ferme mais isolée

Le ministre délégué à l’Industrie, Marc Ferracci, a réitéré ce dimanche la position intransigeante du gouvernement français. L’accord est jugé « inacceptable en l’état » en raison de l’absence de « clauses miroir » garantissant une équité sur les normes environnementales et sanitaires. Ferracci a souligné que les agriculteurs européens seraient gravement désavantagés face à des produits latino-américains soumis à des exigences bien moins strictes.

« L’agriculture n’est pas une variable d’ajustement », a martelé le ministre sur CNews et Europe 1, insistant sur la nécessité d’un commerce « juste » où agriculteurs et industriels jouent « à armes égales ». Si l’accord pourrait bénéficier aux industriels français en facilitant les exportations, le gouvernement défend une vision globale intégrant l’ensemble des filières.

L’accord, qui nécessite l’aval d’au moins 15 pays représentant 65 % de la population européenne, est soutenu par des poids lourds comme l’Allemagne et l’Espagne. La France, opposée au traité, devra rallier des alliés influents pour constituer une minorité de blocage. Bien que des pays comme l’Autriche et la Pologne aient exprimé des réserves, les pressions des partisans du libre-échange restent intenses.

Macron face à Milei : un dialogue sous tension

Pour renforcer cette opposition, Emmanuel Macron est actuellement en tournée en Amérique du Sud. Première étape : l’Argentine, où le président français a rencontré son homologue Javier Milei, un ultralibéral climatosceptique admirateur de Donald Trump. Si les deux dirigeants affichent des visions opposées sur de nombreux sujets, Macron espère convaincre Milei de maintenir l’Argentine dans l’Accord de Paris sur le climat, malgré les récents retraits de la délégation argentine des négociations climatiques.

Dans une vidéo publiée sur TikTok depuis son avion, Macron a souligné l’importance de défendre « nos agriculteurs et nos intérêts commerciaux ». Mais convaincre Milei, récemment revenu d’un forum conservateur à Mar-a-Lago où il a prôné une alliance transatlantique anti-multilatérale, s’annonce difficile. En France, les agriculteurs prévoient de manifester contre cet accord, dénonçant une « concurrence déloyale » et redoutant une « déferlante de viande latino-américaine » ne respectant pas les normes européennes. Ce mécontentement agricole illustre la fracture entre les ambitions commerciales de Bruxelles et les préoccupations locales.

Au-delà de l’agriculture, les discussions entre Macron et Milei portent sur des questions stratégiques, comme l’exploitation du lithium argentin par l’entreprise française Eramet ou la possible vente de sous-marins français. Mais ces avancées économiques ne suffisent pas à masquer les divergences idéologiques profondes. Cette tournée, qui conduira également Emmanuel Macron au G20 au Brésil et au Chili, est perçue comme un test de son influence dans la région. Selon des observateurs, un échec à convaincre l’Argentine de rester dans l’Accord de Paris pourrait affaiblir son rôle de leader climatique et encourager d’autres pays à se retirer.

En attendant, l’UE semble décidée à finaliser l’accord avec le Mercosur d’ici la fin de l’année, au grand dam de la France. L’issue de cette bataille diplomatique reste incertaine, mais elle pourrait redéfinir les équilibres entre les ambitions économiques européennes et la défense des modèles sociaux et environnementaux nationaux.