À Gaza, des vêtements déterrés des décombres pour survivre

18 novembre, 2024 / Entrevue

Dans la ville de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza, Reuters rapporte que Moein Abu Odeh, père de quatre enfants, fouille sans relâche dans les décombres d’un bâtiment détruit. Entre la poussière et les gravats, il cherche des vêtements, des chaussures ou tout objet pouvant être revendu pour acheter de la farine et nourrir sa famille.

« Si nous avions de quoi manger et boire, je donnerais ces vêtements à des associations caritatives, croyez-moi, » confie-t-il. « Mais les difficultés que nous traversons nous obligent à vendre ces affaires pour survivre. »

Après des mois de guerre incessante, Gaza est plongée dans une crise économique et humanitaire sans précédent. Le manque généralisé de biens essentiels a donné naissance à un nouveau commerce : la récupération et la vente de vêtements usagés, souvent extraits des ruines de maisons détruites par les bombardements. Beaucoup de ces vêtements appartenaient à des familles qui ont péri dans le conflit.

Dans des marchés improvisés, des chaussures, des chemises, des pulls ou des baskets sont étalés sur des couvertures poussiéreuses. Une fillette essaie une botte usée, espérant qu’elle lui servira pour affronter l’hiver rigoureux. Des marchands vantent la provenance européenne de leurs articles pour attirer les acheteurs.

Louay Abdel-Rahman, lui aussi déplacé, raconte qu’il est arrivé avec sa famille à Khan Younès sans rien d’autre que les vêtements qu’ils portaient. « Les saisons ont changé, et nous avons besoin de vêtements d’hiver, » explique-t-il, ajoutant qu’il conserve parfois quelques vêtements récupérés pour ses propres enfants, qui n’ont que des habits à manches courtes.

Les chiffres de la destruction sont accablants : selon les Nations Unies, plus de 128 000 bâtiments ont été détruits ou gravement endommagés à Gaza depuis le début du conflit. Les rues sont devenues des montagnes de gravats, représentant 42 millions de tonnes de débris. En avril, l’ONU estimait qu’il faudrait 14 ans et 1,2 milliard de dollars pour déblayer ces ruines.

Pour des familles comme celle d’Abu Odeh, chaque jour est une lutte pour la survie. Ce père se souvient d’un temps où il espérait pouvoir aider les autres, mais il se retrouve aujourd’hui contraint de vendre les fragments de vie d’autrui pour subvenir aux besoins des siens.

« La guerre a tout bouleversé, » déplore Saeed Doula, père de sept enfants. « Tous nos enfants n’ont que des vêtements d’été, et personne ne vient nous aider. La guerre touche tous les aspects de notre vie. »

À l’approche de l’hiver, les besoins en vêtements chauds et en nourriture deviennent plus pressants pour les habitants de Gaza. Pour beaucoup, ces vêtements déterrés des décombres incarnent à la fois leur résilience et les épreuves incessantes d’une vie au milieu des ruines.