Un mur de colère : des agriculteurs bloquent symboliquement l’entrée de l’Inrae à Paris

28 novembre, 2024 / Entrevue

Ce jeudi 28 novembre 2024, dès l’aube, plus d’une centaine d’agriculteurs franciliens se sont réunis devant l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) à Paris. Leur action, symbolique mais percutante, a consisté à ériger un mur de parpaings bloquant partiellement l’entrée du bâtiment. Ce geste visait à dénoncer les difficultés croissantes auxquelles ils font face, accusant l’institut de générer des « contraintes » plutôt que des solutions.

Un mur pour manifester une colère grandissante

Dans une ambiance calme mais déterminée, les manifestants ont posé, dès 6 heures du matin, des parpaings formant un mur d’environ deux mètres de haut. Sur celui-ci, une inscription orange déclarait : « INRA escrolos ». Une banderole ironique y était accrochée, indiquant : « À vendre, ne sert plus à rien — Bail à céder — Économie réalisée : 1,1 milliard € ». Bien que symbolique, l’action n’a pas complètement obstrué l’entrée du bâtiment, laissant un interstice accessible.

« On finance un institut national à un milliard d’euros par an qui ne nous apporte que des contraintes », a déclaré Donatien Moyson, coprésident des Jeunes Agriculteurs (JA) Île-de-France Ouest. Pour Pascal Verrièle, secrétaire adjoint de la FDSEA de Seine-et-Marne, ce mur incarne un rejet de la « décroissance organisée » qu’il impute à des décisions réglementaires et à un manque de soutien pratique.

Les manifestants dénoncent des mesures qu’ils jugent irréalistes. Rémi Pierrard, producteur de betteraves et de céréales en Seine-et-Marne, explique les impacts concrets de ces décisions. « On nous a interdit un insecticide qui protégeait la betterave contre un puceron en début de croissance. Aujourd’hui, on utilise des pulvérisateurs moins efficaces et plus néfastes pour la faune, avec des pertes de productivité atteignant parfois 50 % par an », a-t-il confié.

Les agriculteurs critiquent également l’absence d’alternatives face à ces interdictions, pointant une accumulation de restrictions sans solutions compensatoires.

Une mobilisation nationale contre les « entraves »

Cette action à Paris s’inscrit dans une semaine de mobilisation nationale pilotée par l’alliance FNSEA et Jeunes Agriculteurs. Après s’être opposés au projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, les syndicats agricoles concentrent désormais leurs critiques sur ce qu’ils considèrent comme des « entraves » : préfectures, agences de l’eau et organismes comme l’Office français de la biodiversité figurent parmi leurs cibles.

Mercredi 27 novembre, 28 actions similaires ont eu lieu dans 24 départements, impliquant près de 1 600 personnes et 479 engins agricoles. À Paris, les agriculteurs ont choisi de venir sans tracteurs, utilisant des voitures et les transports en commun pour mener leur action.

L’Inrae, qui devrait être un allié pour les agriculteurs, est perçu comme un frein par ces derniers. « En théorie, cet institut pourrait nous aider à remplir notre rôle de producteurs, mais ce n’est plus le cas », déplore Pascal Verrièle.

Cette mobilisation témoigne d’une fracture grandissante entre les agriculteurs et les institutions publiques, accusées de ne pas comprendre les réalités du terrain. Les actions devraient se poursuivre dans les prochains jours, traduisant l’urgence ressentie par le monde agricole face aux défis économiques et réglementaires qui pèsent sur lui.