Unanimité politique contre le Mercosur : quelle influence pour la France en Europe ?

26 novembre, 2024 / Entrevue

Ce mardi 26 novembre, les députés français débattent du projet de traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur, avant de procéder à un vote consultatif. Un sujet qui suscite de vives inquiétudes chez les agriculteurs français, en pleine mobilisation contre ce qu’ils considèrent comme une concurrence déloyale.

Un débat attendu et une opposition affirmée

Ce traité, négocié depuis plusieurs années par la Commission européenne, vise à abaisser les droits de douane entre les deux blocs, favorisant notamment les importations de viande en provenance des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay, et Bolivie). En France, agriculteurs et organisations professionnelles dénoncent les risques environnementaux, sanitaires, et économiques qu’impliquerait sa ratification. Face à ces critiques, les partis politiques, généralement divisés, affichent une rare unanimité contre cet accord.

Le débat de cet après-midi, organisé sous l’article 50-1 de la Constitution, n’engage pas la responsabilité du gouvernement, et le vote qui suivra ne liera pas ses actions. Toutefois, pour Dominique Potier, député socialiste farouchement opposé au traité, cette initiative est essentielle : « Ce traité dépasse la seule dimension commerciale, il est aussi profondément politique. Il est indispensable que les parlements nationaux puissent s’exprimer. »

Ce débat intervient alors que les agriculteurs multiplient les actions pour dénoncer non seulement les conséquences potentielles du traité Mercosur, mais aussi les normes qu’ils jugent trop contraignantes. Après des manifestations dans 85 départements la semaine dernière, des syndicats comme la FNSEA et la Coordination rurale poursuivent leur mobilisation. De nouvelles actions sont prévues à Bruxelles et dans plusieurs régions françaises.

Les revendications incluent également la réintroduction de certains insecticides interdits en France mais autorisés ailleurs en Europe, symboles pour les agriculteurs d’une concurrence qu’ils jugent inégale.

Une France isolée en Europe

Malgré une opposition affirmée au traité, la France peine à rallier d’autres États membres à sa position. Si l’Italie et la Pologne ont récemment exprimé des réserves, elles ne suffisent pas encore à constituer une minorité de blocage au Conseil européen. La partie commerciale du traité pourrait en effet être adoptée à la majorité qualifiée, sans l’unanimité des 27 pays.

Selon Christophe Naegelen, député du groupe LIOT, ce vote pourrait néanmoins donner à la France un argument supplémentaire lors des négociations européennes : « Montrer une unanimité parlementaire renforcera notre crédibilité face à la Commission européenne. »

Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, a réaffirmé lundi la position française : « Ce projet d’accord n’est pas bon, ni sur le plan économique, ni environnemental, ni sanitaire. » Le gouvernement espère un vote unanime, qui pourrait peser dans les discussions en cours, même si certains groupes politiques, comme La France insoumise, conditionnent leur soutien à une déclaration explicite mettant fin aux négociations.

En 2019 et 2023, l’Assemblée nationale s’était déjà prononcée contre le traité via des résolutions similaires. Toutefois, ces votes n’ont pas suffi à stopper les négociations, pilotées par la Commission européenne, seule habilitée à conclure ces accords pour les 27 États membres.

Le débat de ce mardi, bien qu’il ne soit pas contraignant, représente une nouvelle étape dans la mobilisation contre le traité Mercosur. Il traduit une volonté nationale de défendre la souveraineté agricole française et d’influencer les discussions européennes. Toutefois, dans un contexte où la France reste isolée, le chemin vers un abandon définitif de l’accord semble encore long.