Marc Bloch au Panthéon : hommage à une figure de la Résistance et de l’historiographie française
Lors de la commémoration des 80 ans de la libération de Strasbourg, le 23 novembre 2024, Emmanuel Macron a annoncé une décision hautement symbolique : l’historien et résistant Marc Bloch rejoindra les grandes figures de la nation au Panthéon. Ce choix honore un intellectuel visionnaire et un patriote engagé, assassiné par la Gestapo en 1944 pour son rôle dans la Résistance française.
Un homme de courage et de lucidité
Marc Bloch, né en 1886 à Lyon, est l’une des figures les plus marquantes de l’historiographie du XXe siècle. Issu d’une famille juive alsacienne, il a consacré sa carrière à transformer la manière dont l’histoire est étudiée et racontée. Fondateur, avec Lucien Febvre, de l’École des Annales en 1929, il a élargi le champ de la recherche historique à des disciplines telles que la sociologie, la géographie ou encore la psychologie.
Mais son engagement ne s’est pas limité au domaine académique. Soldat lors des deux guerres mondiales, il incarne un patriotisme sans faille. En 1940, face à la défaite de la France, il rédige L’Étrange défaite, une œuvre poignante où il analyse les raisons de cet effondrement. Dès 1942, il rejoint la Résistance sous divers pseudonymes, mettant en danger sa vie pour lutter contre l’occupation nazie et le régime de Vichy.
Une famille émue mais vigilante
La famille de Marc Bloch s’est dite « très émue » par cette décision, qu’elle considère comme une reconnaissance tardive mais essentielle. Cependant, elle a posé une condition stricte à la tenue de la cérémonie : l’exclusion de l’extrême droite. Une demande explicite pour préserver la mémoire de cet homme résolument antinationaliste, dont l’œuvre déconstruit le mythe d’une histoire strictement nationale. Ils insistent également pour que l’hommage soit purement civil, conformément aux volontés testamentaires de Marc Bloch.Marc Bloch entretenait un lien profond avec la campagne creusoise, où il possédait une maison familiale dans le hameau de Fougères, à Bourg-d’Hem. C’est dans cette retraite paisible qu’il a écrit L’Étrange défaite, et où il se ressourçait chaque été. Ses promenades et ses échanges avec les paysans locaux nourrissaient sa vision d’historien, notamment son intérêt pour le monde rural. Aujourd’hui, sa tombe porte l’épitaphe latine Dilexit veritatem (J’ai chéri la vérité), un hommage à l’essence de sa vie et de son œuvre.
Un exemple pour la jeunesse
À Strasbourg, Emmanuel Macron a souligné l’importance de Marc Bloch en tant que professeur et père de six enfants, rappelant son attachement à transmettre son savoir. La famille espère que cette panthéonisation permettra de faire rayonner son héritage, particulièrement auprès des jeunes générations.
Pour de nombreux historiens, cette entrée au Panthéon corrige une « anomalie historique ». À Saint-Didier-de-Formans, où Marc Bloch a été fusillé avec 29 compagnons, et dans toute la France, cet hommage résonne comme une célébration de son courage et de sa lucidité face à l’adversité. En rejoignant le Panthéon, Marc Bloch incarne non seulement l’excellence intellectuelle française, mais aussi l’esprit indomptable de la Résistance.