Procès Samuel Paty : Abdoullakh Anzorov, une radicalisation sous-estimée

15 novembre, 2024 / Radouan Kourak

Les révélations de L’Express mettent en lumière les origines troublantes de la radicalisation d’Abdoullakh Anzorov, l’assassin de Samuel Paty. Dès l’enfance, ce jeune Tchétchène de 18 ans a grandi dans un environnement où l’idéologie islamiste était omniprésente. Son père, Abouyezid Anzorov, aurait hébergé en 2004, en Tchétchénie, cinq membres influents d’Al-Qaïda, dont un haut dirigeant proche d’Oussama Ben Laden, connu sous le nom de guerre “Seif Islam”. Ces faits, signalés aux autorités françaises dès 2009 lors de la demande d’asile d’Abouyezid, n’ont pourtant pas empêché la famille d’obtenir le statut de réfugiés en 2011.

Malgré ces informations, aucune enquête approfondie n’a été menée sur les Anzorov. Pire, Abdoullakh lui-même se serait vanté, en août 2020 sur un groupe privé Twitter, des liens étroits de son père avec des figures djihadistes. Ces éléments laissent penser que l’idéologie extrémiste a pu se transmettre au sein du foyer, préparant ainsi le terrain pour le passage à l’acte du jeune homme.

Une radicalisation facilitée par un islam rigoriste

Arrivée en France en 2007, la famille Anzorov s’installe à Évreux, où elle fréquente des mosquées connues pour leur rigueur doctrinale. Bien que les Anzorov ne soient pas directement impliqués dans des réseaux islamistes locaux, leur pratique d’un islam austère aurait renforcé l’adhésion du jeune Abdoullakh à des idéaux extrémistes. Selon les enquêteurs, il est décrit comme obsédé par le djihad, nourrissant un désir permanent de confrontation violente.

Avant de s’attaquer à Samuel Paty, Abdoullakh Anzorov aurait envisagé d’autres cibles. L’analyse de son téléphone a permis de découvrir des recherches effectuées sur une conseillère principale d’éducation (CPE) en Seine-et-Marne. Cette dernière, connue pour avoir exclu deux élèves musulmans impliqués dans un cas de harcèlement, avait attiré l’attention du jeune homme. Cependant, son attention s’est finalement détournée vers Samuel Paty, après la diffusion en classe de caricatures du prophète Mahomet dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression.

Le 16 octobre 2020, Abdoullakh Anzorov met son plan à exécution avec une sauvagerie effroyable. Après avoir identifié Samuel Paty grâce à des collégiens manipulés, il suit l’enseignant sur le trottoir, armé d’un couteau. À 16h52, il l’agresse en pleine rue, criant “Allahou Akbar” avant de commettre l’irréparable. Interpellé peu après par la police, il est abattu.

Un drame évitable ?

Alors que le procès des complices présumés d’Abdoullakh Anzorov se déroule à la cour d’assises spéciale de Paris, ces nouvelles révélations interrogent la responsabilité des autorités. Les signaux d’alerte sur la famille Anzorov étaient nombreux, mais ils n’ont pas suffi à prévenir l’irréparable. Cette affaire met une nouvelle fois en lumière les failles du système de surveillance des individus radicalisés, ainsi que l’importance de mieux identifier les dynamiques familiales susceptibles de favoriser l’extrémisme.