Trump et Xi Jinping : une diplomatie pratique entre pragmatisme et concurrence

14 novembre, 2024 / Entrevue

Alors que les dirigeants du monde entier se réunissent en Amérique du Sud pour deux sommets d’envergure, la perspective du retour imminent de Donald Trump à la Maison-Blanche sème l’incertitude. La montée en puissance de la politique « America First » de Trump suscite des questions sur ses répercussions pour l’économie mondiale, ainsi que sur les conflits en Europe et au Moyen-Orient.

Parmi tous les pays, la Chine se prépare plus particulièrement à des relations tumultueuses avec les États-Unis. Pour le leader chinois Xi Jinping, ces rassemblements représentent une opportunité : renforcer les alliances en éloignant les partenaires américains et se positionner comme une alternative stable au leadership mondial.

Les sommets de l’APEC au Pérou et du G20 au Brésil seront pour la Chine des plateformes essentielles pour affronter les turbulences à venir. Lors de son premier mandat, Trump avait lancé une guerre commerciale et technologique contre la Chine, la désignant comme rivale des États-Unis. Cette approche a été en grande partie suivie par son successeur Joe Biden, qui a aussi renforcé les liens avec les alliés pour contenir l’influence chinoise.

Le retour de Trump pourrait entraîner de nouvelles taxes douanières massives et davantage de restrictions sur les technologies sensibles. Xi Jinping et sa délégation comptent donc user de diplomatie pour diffuser un message de stabilité et de coopération internationale, tout en affichant la Chine comme une puissance vouée à la paix et au développement global.

Exploiter les tensions internationales : la stratégie de Xi Jinping

Depuis des mois, la Chine intensifie ses efforts pour solidifier ses relations avec les alliés des États-Unis. Xi Jinping a notamment facilité l’accès sans visa pour les citoyens de plusieurs pays européens et organisé un sommet trilatéral avec le Japon et la Corée du Sud. Avec Trump, connu pour sa diplomatie transactionnelle et imprévisible, ces nations observent avec prudence les changements potentiels dans leurs relations. Le président élu américain a déjà promis d’imposer des tarifs de 10 % sur les importations de tous les pays et demande aux alliés asiatiques de contribuer davantage au financement de la présence militaire américaine.

Les observateurs chinois voient dans cette incertitude une occasion d’attirer des partenaires internationaux vers Pékin en tant que force de stabilité économique et politique. En Amérique latine, en Afrique, et en Asie du Sud-Est, la Chine cherche à renforcer son influence en offrant des incitations économiques et en revitalisant son initiative « Belt and Road ».

Consolider l’autosuffisance économique de la Chine

Pour anticiper les futures tensions commerciales, Xi Jinping accélère le développement de l’autonomie économique chinoise, notamment dans le secteur technologique. Cette stratégie, surnommée « double circulation », vise à réduire la dépendance aux exportations et à stimuler la demande intérieure. Les investissements chinois dans l’Asie du Sud-Est témoignent d’une volonté de diversifier les chaînes d’approvisionnement pour se protéger des chocs commerciaux.

La Chine renforce également ses contre-mesures contre les entreprises américaines. Par exemple, le fabricant de drones Skydio et le géant de la mode PVH Corp. sont confrontés à des restrictions commerciales imposées par Pékin. Cette stratégie d’intimidation économique, visant à montrer la résilience de la Chine, démontre la capacité accrue de Pékin à riposter.

Avec Trump, Pékin s’attend à une diplomatie marquée par des décisions pragmatiques et transactionnelles. Xi Jinping a exploité cette flexibilité dans le passé, notamment en négociant directement avec Trump pour lever les sanctions imposées à la société chinoise ZTE. Pékin envisage de reproduire cette diplomatie personnalisée en s’appuyant sur des personnalités influentes du monde des affaires américain, comme Elon Musk, dont les intérêts commerciaux en Chine pourraient favoriser les liens avec l’administration Trump.

Malgré cette approche pragmatique, la Chine reste prudente. Trump pourrait à tout moment modifier ses positions, notamment concernant Taïwan, sujet de tensions entre les deux pays. Pékin devra donc jongler entre prudence et optimisme, cherchant à maximiser les opportunités sans compromettre sa position sur la scène mondiale.

Préserver la résilience chinoise face à un ordre mondial instable

La stratégie de Xi Jinping ne se limite pas à gérer les pressions de Trump, mais vise plus largement à minimiser les vulnérabilités face aux fluctuations mondiales. Depuis longtemps, Pékin cherche à assurer son autosuffisance économique et technologique, suivant une vision pragmatique selon laquelle la stabilité de la Chine dépend de sa capacité à s’adapter aux changements.

En fin de compte, Xi Jinping considère Trump moins comme une cause du désordre mondial que comme un symptôme de son instabilité croissante. Dans ce contexte, la Chine entend consolider sa résilience interne et son influence internationale pour répondre aux défis posés par l’évolution du leadership américain et les incertitudes de l’économie mondiale.