Marseille : Retailleau et Migaud font de la lutte contre le narcotrafic une « cause nationale »

08 novembre, 2024 / Entrevue

Les ministres de la Justice, Didier Migaud, et de l’Intérieur, Bruno Retailleau, ont lancé un appel fort à Marseille ce vendredi, déclarant la lutte contre le narcotrafic « cause nationale » et appelant à un front commun pour agir avec rapidité et efficacité.

Dans une conférence de presse, les ministres ont détaillé les mesures d’un nouveau plan de lutte contre la criminalité organisée dans la cité phocéenne, épicentre d’une guerre de territoire sanglante entre gangs de narcotrafiquants. Face à la montée de la violence, le garde des Sceaux a annoncé la création imminente d’un « parquet national », destiné à centraliser la lutte contre la criminalité organisée, incluant les crimes liés aux stupéfiants.

Vers un arsenal législatif renforcé

Avant l’adoption de cette structure par les parlementaires, Didier Migaud a dévoilé la mise en place, dans les prochaines semaines, d’une « cellule de coordination nationale » au parquet de Paris. Celle-ci se verra renforcée de 40 % d’effectifs pour mieux gérer les affaires de criminalité organisée à l’échelle nationale. S’inspirant des dispositifs anti-terroristes, Migaud envisage également de faire juger certains crimes en bande organisée par des cours d’assises spéciales, composées de magistrats professionnels pour limiter les pressions sur les jurés.

De son côté, Bruno Retailleau propose d’étendre aux enquêtes sur la criminalité organisée les méthodes déjà appliquées dans les affaires de terrorisme. Il promet également un renforcement des moyens pour l’Office antistupéfiants (Ofast), afin de mieux équiper les enquêteurs face à des réseaux toujours plus complexes.

Un combat de longue haleine

Avec plus de 49 morts en 2023, dont sept mineurs, Marseille fait face à une violence liée aux gangs qui n’épargne désormais plus les adolescents. Retailleau considère que la France atteint un « point de bascule » face à un narcotrafic qui risque de « mexicaniser » le pays, estimant le chiffre d’affaires de ce marché clandestin entre 3,5 et 6 milliards d’euros. Selon lui, cette lutte « prendra des années, 10, 15, voire 20 ans », mais il affirme que la détermination gouvernementale sera sans faille.

Michel Barnier, le Premier ministre, a confié aux ministres la mission de réunir un consensus transpartisan autour de cette « guerre contre le narcotrafic ». Une proposition de loi, élaborée par les sénateurs Etienne Blanc et Jérôme Durain, prévoit notamment de transformer l’Ofast en une véritable « DEA à la française » et de créer un parquet national antistupéfiants (Pnast). Le texte sera examiné par le Sénat le 27 janvier prochain.

Les ministres ont également rencontré les familles de victimes du trafic de drogue. Laëtitia Linon, tante d’un adolescent assassiné, a exprimé son soutien pour que les narcotrafiquants soient jugés comme des terroristes. Quant à Karima Meziene, avocate de plusieurs familles, elle a insisté sur l’importance de l’accompagnement psychologique et social à long terme pour les proches des victimes.

Dans cette lutte, la priorité semble désormais d’adapter les moyens et les législations pour répondre à une criminalité en mutation rapide. La violence exacerbée, la corruption et les ressources financières des réseaux rendent ce défi majeur, mais le gouvernement, soutenu par une partie de la population et des institutions, affiche une volonté de fer pour éradiquer ce fléau.