EXCLU – Sarah Saldmann dans la peau d’une salariée au SMIC : « Je sais maintenant ce que signifie travailler à l’usine… »

06 novembre, 2024 / Jerome Goulon

Sarah Saldmann, avocate, est devenue incontournable dans le PAF. Ex-chroniqueuse des Grandes Gueules sur RMC, elle est aujourd’hui très présente sur les antennes de CNews et C8. Réputée pour son franc-parler, certaines prises de position lui ont valu des critiques, notamment celles concernant les salariés au SMIC. Suite à ses propos, François Ruffin, député LFI et réalisateur, lui a proposé de tourner dans un documentaire afin de s’immerger dans le quotidien de salariés vivants au SMIC et lui faire découvrir certains métiers. Ce documentaire, Au boulot !, sort ce mercredi 6 novembre au cinéma. Sarah Saldmann nous parle de cette expérience qui, comme elle le confesse elle-même, lui a ouvert les yeux sur le quotidien de millions de Français… 

Jérôme Goulon : Vous êtes à l’affiche du documentaire Au boulot !, de Gilles Perret et François Ruffin. Comment est né ce projet ?
Sarah Saldmann : On s’est rencontrés avec François Ruffin sur le plateau de C ce soir, sur France 5. On s’est revus sur le plateau des Grandes Gueules, où j’étais chroniqueuse, et lors d’un débat, j’avais dit : « Quand on a 1 300 euros par mois, c’est déjà bien. » Il m’avait répondu : « Dans ce cas-là, venez passer un mois au SMIC ! » Sur le moment, je n’avais pas pris ce qu’il me disait au sérieux. Et puis j’ai finalement accepté le projet. 

Comment s’est déroulé le tournage ?
Le documentaire a été tourné sur un an environ, sur quelques jours à chaque fois, et je ne savais jamais ce que j’allais faire comme métier.

Certaines de vos déclarations ont fait la polémique, notamment quand vous avez dit que les personnes qui prenaient un arrêt maladie pour un rhume étaient des « glandus, des assistés, des feignasses. » Vous regrettez ces propos ou vous les assumez ?
Déjà, les propos que j’ai tenus ne tombent pas sous le coup de la loi, on était dans le cadre de la liberté d’expression. Néanmoins, je comprends complètement que ça puisse choquer. Et quand les gens à l’usine m’écoutaient en direct, je peux comprendre que ça les mettait hors d’eux. Mais sur le coup, je ne m’en rendais absolument pas compte. Je reconnais que c’était inapproprié. 

Vous vous attendiez à ce que vos propos fassent autant réagir ?
Non, je ne pensais pas qu’il y aurait autant de répercussions. Après, on peut observer une dichotomie entre ce que je vois sur les réseaux sociaux et ce que je vois dans la rue. Quand je crois les gens dans la rue, je constate que beaucoup de personnes sont d’accord avec moi. 

Vous êtes connue pour être sans filtre, ce qui vous vaut des critiques sur les réseaux sociaux. Ça vous affecte ?
Je m’en fiche complètement ! Ça peut même me faire rire. Si jamais ça me touchait, ça ferait bien longtemps que j’aurais arrêté de faire de la télévision.

Quand François Ruffin vous a contactée la première fois, vous n’étiez pas très partante à l’idée de faire ce documentaire. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
Des gens autour de mon m’ont vivement conseillée de ne pas faire ce documentaire. Mais on a pris un verre pendant avec François Ruffin, et il a su me convaincre. Je me suis dit que ce serait intéressant de vivre des expériences que je n’aurais probablement pas l’occasion de faire dans ma vie, de rencontrer des personnes et de découvrir des métiers. Je me suis dit que ça pouvait aussi aiguiller certaines personnes qui pensent comme moi ou qui ont les mêmes a priori.

Quels sont les métiers que vous avez découverts durant ce documentaire ?
J’ai fait auxiliaire de vie, avec une dame qui s’appelle Louisa. J’ai fait de la livraison de colis, j’ai travaillé dans une usine de poisson. J’ai aussi été serveuse, agricultrice, j’ai été au Secours Populaire et j’ai même joué au foot. 

Quelle est l’expérience qui vous a le plus marquée ?
Humainement, c’est auxiliaire de vie. On se rend compte qu’elles ont vraiment envie de faire ce métier, mais qu’il y a un manque de moyens, que ce soit humains ou financiers. Ce n’est pas assez payé et elles ne sont pas assez nombreuses pour s’occuper des patients. 

Et la pire expérience ?
L’usine de poisson, c’est l’expérience, en termes de pénibilité physique, la plus difficile. Il faut se lever à 4h du matin, il fait très froid, et vous ne pouvez même pas vous asseoir. C’est une cadence infernale. Et le pire, c’est que tous les endroits où j’ai été respectent le Code du travail. Donc je me demande ce que ça doit être quand on tombe sur des usines qui ne respectent rien.

Vous vous attendiez à ce que ce soit aussi dur ?
Je n’avais pas du tout idée de comment ça se passait. L’expression «  travailler à l’usine » prend tout son sens. Et même si c’était payé 3 000 euros, ce serait toujours autant pénible. 

Ces expériences vont on-elles fait changer d’avis sur certaines choses ?
Oui. Par exemple, j’étais conte la réforme des retraites, mais j’ai changé d’avis. Je considère maintenant que pour ces métiers-là, où la pénibilité est très forte, il faut laisser épargner les salariés au maximum. Ç m’a également fait changer d’avis sur certaines déclarations. Je disais en effet qu’il fallait quand même aller travailler malgré un rhume ou une angine, car moi, quand j’ai un rhume, je vais quand même au bureau. Mais aller à l’usine avec un rhume, c’est autre chose, donc je comprends désormais qu’ils prennent un arrêt.

Comment avez-vous été accueillie par les travailleurs ?
J’ai été très bien accueillie, très bien reçue. Je me suis très bien entendue avec eux. De façon générale, je pense être assez sociable. Je me suis bien adaptée. Les travailleurs ont été très bienveillants et m’ont tout de suite mis à l’aise. Rien à redire là-dessus, c’était parfait !

Vous vous attendez à quelles réactions autour de ce documentaire ?
C’est difficile à dire. Ce que je sais, c’est que ceux qui veulent critiquer trouveront toujours un moyen de critiquer. Ce que j’aimerais que les gens voient, c’est la force de ce film de François Ruffin, à savoir qu’il met en lumière des métiers et des gens qui n’ont pas l’habitude d’être mis en lumière. 

En France, l’argent est un sujet très tabou. Vous regrettez que ceux qui en ont, ou les grandes entreprises qui font beaucoup de profits, soient montrés du doigt systématiquement ?
Oui. Je pense qu’il faut remercier ceux qui ont beaucoup d’argent. Ils font tourner l’économie française. De mon côté, les gens qui ont beaucoup d’argent, ils ne m’enlèvent rien à moi. Donc je n’ai pas de sentiment d’aigreur ou de jalousie envers ceux qui ont plus que moi.

Vous avez été payée combien pour faire ce documentaire ?
Je n’ai pas été payée, je n’ai rien perçu pour tourner dans ce film. Beaucoup de personnes m’accusent d’avoir pris beaucoup d’argent pour ce documentaire, mais en réalité, je n’ai pas pris d’argent du tout…

Beaucoup de Français se tuent à la tâche, mais n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Qu’en pensez-vous ? 
Le salariat n’est pas fait pour vous rendre riche. Ça se saurait. Si on a envie d’avoir beaucoup d’argent, il faut innover, il faut créer…

Avant ce documentaire, vous aviez déjà mis un pied dans le monde du travail en dehors de votre domaine ?
J’ai fait énormément de petits boulots, ne serait-ce que pour me payer ma robe d’avocat, l’école d’avocat, la prépa… Le boulot que j’ai le plus fait, c’est correctrice de copies. Je pouvais en faire 600 par mois. J’ai été aussi surveillante, vendeuse, promeneuse de chiens. J’ai rédigé les mémoires des autres et j’ai donné beaucoup de cours particuliers. C’est des travaux assez intellectuels qui ne demandent pas d’effort physique. 

Si demain, vous deviez abandonner le métier d’avocat et faire un métier que vous avez exercé dans le documentaire, ça serait lequel ?
Si je n’étais plus avocate, je serais auxiliaire de vie ! Vous aidez des personnes âgées. Moi, j’étais très proche de ma grand-mère, donc auxiliaire de vie sans hésiter.

Et à l’inverse, y a-t-il un métier que vous ne feriez pour rien au monde ?
Travailler dans l’usine de poisson… Ce n’est pas un métier pour moi.

Vous auriez un message à faire passer auprès des personnes qui ont pu être blessées par vos anciens propos sur les salariés ?
Mea culpa. Mais on peut mettre ces propos sur le compte de l’ignorance. D’où l’utilité pour moi d’avoir fait ce documentaire… Quand on corrige des copies et qu’on sait qu’on va devenir avocat, ce n’est pas un métier pénible. Il y a plein de métiers connus dont on ne parle jamais, comme la fibre optique par exemple…

Vous avez reconnu être déconnectée de certaines réalités. Vous avez l’impression d’être moins déconnectée après ce documentaire ?
Je suis forcément toujours un peu déconnectée, car ces métiers que j’ai essayés, je ne les ferai pas toute ma vie, contrairement aux travailleurs que j’ai vus. Mais au moins, maintenant, quand on parle d’un métier, je me représente un peu plus les choses. Quand on dit « travailler à l’usine », je vois ce que ça représente. Et je comprends aussi les gens qui travaillent à l’usine qu’ils soient excédés par certains politiques qui sont totalement déconnectés des réalités. Je peux comprendre que ça agace. Beaucoup de politiques, de droite comme de gauche, ne connaissent pas la réalité des Français. Ils font des tableaux Excel, mais ne connaissant pas la réalité de la vie. Ils ne savent pas de quoi ils parlent. Et quand ils vont sur le terrain, ils serrent des mains pendant des heures et ils rentrent. Ce n’est même pas de la mauvaise volonté de leur part, ils ne se rendent pas compte. 

On parle souvent des personnes qui abusent des aides. Mais en France, peut-on dire aussi que le travail n’est pas assez récompensé ?
Oui, le travail n’est pas assez récompensé. Quand vous cumulez toutes les aides et que vous mettez le SMIC à côté, parfois, il n’y a pas de différence énorme. Mais si les salariés ne sont pas assez payés, c’est qu’il y a tout simplement trop de charges. Pour moi, le problème, c’est toutes les charges et tout ce que l’état ponctionne à chaque fois. 

Vous n’avez jamais été tentée par la politique ?
Non, parce que j’aime la liberté. Je serais complètement brisée…

Petite parenthèse : vous vous êtes mise dans la peau d’une personne gagnant le SMIC. Vous pourriez être avec un homme gagnant le SMIC ?
En vérité, ce serait très compliqué, car je pense que pour qu’un couple fonctionne, il faut qu’il y ait une équivalence du niveau de vie, au risque qu’il y ait des discordes ultérieures…

Pour terminer, un petit mot pour toutes les personnes que vous avez côtoyées durant le documentaire ?
Je voudrais les remercier pour tout ce qu’elles font pour la France. J’aimerais aussi qu’elles aient plus de reconnaissance, car ce sont des personnes qui se sentent parfois déconsidérées.