Budget 2025 : le « super ISF » sur les milliardaires adopté en première lecture, malgré des critiques
Le projet de loi de finances pour 2025 a franchi une étape clé à l’Assemblée nationale avec l’adoption, en première lecture, d’un amendement instaurant un impôt ciblé sur les milliardaires. Surnommé « l’impôt Zucman », ce dispositif prévoit une taxation de 2 % sur les patrimoines supérieurs à un milliard d’euros. Cependant, des questions de constitutionnalité pourraient compromettre son application.
Un amendement emblématique mais contesté
L’adoption de cet amendement marque une victoire pour le Nouveau Front populaire (NFP) et la France Insoumise (LFI), qui militent depuis longtemps pour un retour d’un impôt sur la fortune plus ambitieux. Inspiré par l’économiste Gabriel Zucman, l’impôt vise à rétablir une forme de justice fiscale en ciblant les 147 plus grandes fortunes françaises. Zucman, qui s’est félicité de cette adoption, rappelle que les ultra-riches parviennent souvent à échapper à l’impôt sur le revenu en exploitant les failles fiscales, en laissant leurs revenus accumuler dans des sociétés holdings plutôt que de les percevoir sous forme de salaires ou dividendes.
La mesure, censée rapporter entre 15 et 20 milliards d’euros par an, reste néanmoins controversée. Le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a vivement critiqué l’amendement, le qualifiant de dangereux pour l’attractivité économique de la France. Il estime que cette mesure pourrait inciter les milliardaires à quitter le pays, privant ainsi l’économie d’investissements essentiels. Le RN a également manifesté son opposition, soulignant que ce type d’impôt n’existe dans aucun autre pays.
Bien que l’amendement ait été adopté, sa mise en œuvre se heurte à des obstacles juridiques importants. Le Conseil constitutionnel pourrait le censurer au motif que l’argent prélevé sur le patrimoine doit être plafonné en fonction des revenus déclarés, conformément à la jurisprudence existante. De plus, l’amendement contient une erreur rédactionnelle notable, en renvoyant au « Code du patrimoine » au sens culturel plutôt qu’économique, rendant le texte inopérant dans sa forme actuelle.
Un débat polarisé sur l’imposition des grandes fortunes
L’amendement a ravivé les tensions au sein de l’hémicycle, avec des accusations croisées entre le NFP et le RN. La gauche reproche au RN d’avoir voté aux côtés de la majorité pour bloquer des amendements visant à renforcer l’impôt sur la fortune, tandis que le RN critique l’union de la gauche et des macronistes pour rejeter sa proposition de transformation de l’impôt sur la fortune immobilière en un impôt sur la fortune financière.
Malgré les critiques, le NFP maintient que l’imposition des milliardaires est nécessaire pour garantir l’équité fiscale. Les écologistes avaient même proposé un « ISF climatique » prenant en compte l’empreinte carbone du patrimoine, qui aurait généré 15 milliards d’euros, mais cette proposition a également été rejetée.
La suite du parcours législatif incertaine
La mesure devra encore passer l’épreuve du Sénat et pourrait faire l’objet d’un recours au 49.3 par le gouvernement pour éviter un rejet. Si l’amendement est maintenu, il pourrait constituer une première en Europe en matière de taxation des milliardaires, bien que son sort final dépende des décisions du Conseil constitutionnel.
L’instauration de cet impôt marque un tournant dans le débat sur la justice fiscale en France, mais les défis législatifs et juridiques à venir montrent que la route vers sa mise en œuvre reste semée d’embûches.