Sommet européen : l’UE divisée face à un durcissement de la politique migratoire

18 octobre, 2024 / Entrevue

Cinq mois après l’adoption du pacte sur l’immigration, les dirigeants de l’Union européenne se retrouvent de nouveau à Bruxelles pour discuter de la politique migratoire. Le sujet, déjà source de tensions, est à l’ordre du jour de ce sommet du 17 et 18 octobre. Certains États membres, comme l’Italie, plaident pour un renforcement des mesures répressives, notamment en matière d’expulsions des migrants en situation irrégulière.

Un tour de vis migratoire en discussion

Alors que les discussions devaient initialement porter sur la situation en Ukraine et au Proche-Orient, la question de l’immigration a rapidement pris le dessus. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a évoqué la possibilité d’un durcissement des règles, notamment par la révision de la « directive retour », un texte clé régissant les expulsions dans l’UE. Cette initiative répond en partie à la pression exercée par certains États membres qui dénoncent l’inefficacité actuelle des mesures de retour.

Le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a qualifié les expulsions de « chaînon manquant » dans la politique migratoire actuelle de l’UE. Il a insisté sur la nécessité de renforcer la dimension extérieure de cette politique, une perspective qui inclut la proposition controversée de création de « hubs de retour » dans des pays tiers, une idée poussée par l’Italie.

Une Europe divisée sur les solutions

Cependant, cette approche ne fait pas l’unanimité. L’Allemagne et l’Espagne se montrent réticentes face à l’idée de centres de rétention en dehors de l’UE, tandis que la France appelle à la prudence. Si des initiatives telles que l’accord entre l’Italie et l’Albanie pour renvoyer des migrants interceptés en mer ont déjà été lancées, elles suscitent des critiques. Plusieurs défenseurs des droits humains et pays européens estiment que ces mesures sont déshumanisantes et potentiellement illégales.

En dépit d’une baisse des traversées clandestines en 2024, la question de l’immigration reste politiquement inflammable, notamment en raison de la montée de l’extrême droite à travers l’Europe. Un sondage récent montre que 75 % des Français estiment que leur pays doit durcir sa politique migratoire, un sentiment qui se reflète dans le soutien à des mesures plus strictes au niveau européen.

Un chantier législatif complexe

La proposition de réforme d’Ursula von der Leyen soulève cependant des défis. La révision de la directive retour, adoptée en 2008, pourrait s’avérer longue et laborieuse. Ce texte harmonise les règles d’expulsion des migrants en situation irrégulière, tout en leur garantissant des recours légaux. Les États membres devront se mettre d’accord sur des mesures concrètes, ce qui s’annonce compliqué, à l’instar du pacte sur l’asile et la migration, qui avait nécessité huit années de négociations avant son adoption en mai dernier.

Alors que le sommet se déroule, les attentes restent modérées. Plusieurs responsables européens prévoient que les discussions ne déboucheront pas sur des mesures immédiates. Le sujet des « hubs de retour » divise profondément les États membres, et il semble peu probable qu’un consensus émerge rapidement sur cette question.

L’immigration, pourtant au centre des débats, pourrait rester sans avancées concrètes à l’issue du sommet, témoignant des profonds désaccords au sein de l’Union européenne sur la manière d’aborder cette crise.