De Matignon à Renaissance : Élisabeth Borne face à son destin politique

16 octobre, 2024 / Entrevue

Dans son ouvrage Vingt mois à Matignon, Élisabeth Borne, ancienne Première ministre, se confie pour la première fois sur son départ brutal de Matignon et sa vision de la politique. Candidate à la présidence du parti Renaissance, elle livre un regard introspectif sur son parcours, ses combats et les défis qui l’attendent. Lors d’une interview accordée au Point, Borne revient sur les moments marquants de son mandat et aborde son avenir politique.

« J’étais prête à continuer » : un départ incompris

Élisabeth Borne, marquée par ses vingt mois au pouvoir, admet qu’elle n’a pas totalement saisi la décision du président Emmanuel Macron de la remplacer. Alors qu’elle venait de finaliser des réformes clés, notamment celle de l’immigration, elle avait encore à cœur de poursuivre des projets cruciaux, tels que la transition écologique et l’égalité des chances. Le renvoi soudain a donc laissé place à l’incompréhension.

Souvent caricaturée comme la « Madame 49.3 », Borne déplore cette étiquette, estimant qu’elle ne reflète pas la réalité de son mandat. Contrairement à cette vision simpliste, elle assure que la majorité des textes ont été adoptés en cherchant des compromis. « On est capable de bâtir des majorités », affirme-t-elle, soulignant son apprentissage douloureux d’un milieu politique où l’opposition s’exprime parfois davantage dans les médias qu’à l’Assemblée.

Un parcours personnel qui forge une femme de devoir

Dans son livre et durant l’interview avec Le Point, Borne se dévoile plus personnellement. Elle retrace son enfance difficile, marquée par le suicide de son père, un rescapé des camps de concentration, et les difficultés financières auxquelles sa mère a dû faire face. Ce passé douloureux est, selon elle, au cœur de sa construction politique. Elle se définit comme « une anomalie statistique », ayant réussi à gravir les échelons grâce à l’éducation républicaine. Son attachement à la promesse républicaine, et son engagement pour la préserver, constituent le fil conducteur de sa carrière.

Borne confie que ses relations avec le président Macron ont toujours été « agréables », bien que marquées par des différences de style et de vision. Si elle est une adepte du compromis et du dialogue, Macron, selon elle, tend à prendre des décisions après avoir longuement écouté, mais pas forcément en suivant les suggestions initiales. Elle pointe également une ambiguïté institutionnelle qui brouille les rôles respectifs du président et du Premier ministre, notamment depuis l’instauration du quinquennat.

Candidate à la présidence de Renaissance, Borne se positionne en figure de renouveau. Elle appelle à réinventer le parti, à le reconnecter aux électeurs et à donner davantage de moyens aux militants pour qu’ils puissent se former et produire des idées. Alors que Gabriel Attal, favori de l’élection, se prépare également à briguer cette présidence, Borne s’inscrit dans une dynamique de rassemblement, prête à consacrer toute son énergie à bâtir un projet collectif.

L’ancienne Première ministre aborde également la question du sexisme en politique, une thématique centrale de son livre. Elle dénonce un milieu profondément machiste, où les femmes sont constamment jugées selon des critères masculins. Borne se fait la porte-parole d’une politique plus représentative de la diversité française, à la fois en termes de genre, de générations et de territoires.

Face au RN et à LFI, une stratégie de compromis

Sur le terrain des alliances politiques, Borne exprime des inquiétudes face à l’influence de La France insoumise (LFI) et du Rassemblement national (RN). Elle critique la stratégie de LFI, qu’elle accuse de renforcer le RN en raison de son clientélisme et de son attitude jugée complaisante vis-à-vis de l’islamisme. Soutenant le gouvernement de Michel Barnier, elle préconise l’instauration de la proportionnelle pour sortir de l’impasse institutionnelle actuelle, où le RN joue un rôle clé.

Élisabeth Borne reste prudente quant à ses ambitions présidentielles. Si elle se dit entièrement dédiée à la reconstruction de Renaissance, elle n’exclut pas de jouer un rôle clé dans l’avenir politique du pays. Pour l’heure, sa priorité est claire : redonner espoir aux Français en proposant un projet politique solide et rassembleur.