Autriche : l’extrême droite remporte une victoire historique

30 septembre, 2024 / Entrevue

Pour la première fois depuis l’après-guerre, le Parti de la Liberté (FPÖ), une formation d’extrême droite dirigée par Herbert Kickl, a remporté les élections législatives en Autriche. Selon les premières estimations de la chaîne publique ORF, le FPÖ a recueilli 29,1 % des suffrages, marquant une progression de 13 points par rapport aux élections de 2019. Ce résultat dépasse les attentes des sondages, bien qu’il ne garantisse pas à Herbert Kickl une majorité suffisante pour gouverner seul.

En deuxième position, le parti conservateur ÖVP du chancelier Karl Nehammer a récolté 26 % des voix, accusant un recul significatif de 11,2 points. Cette défaite s’inscrit dans un contexte européen de montée des partis extrémistes, avec des électeurs de plus en plus séduits par des discours nationalistes et hostiles à l’immigration.

Sous la direction d’Herbert Kickl, le FPÖ a accentué son orientation nationaliste et populiste, prônant des politiques controversées telles que la “remigration”, qui consisterait à retirer la nationalité autrichienne et expulser certains citoyens d’origine étrangère. Ce message anti-migrant, couplé à une opposition farouche aux mesures anti-COVID et à une critique de l’Union européenne, a su capter un électorat touché par les tensions sociales et économiques actuelles.

Le FPÖ, qui a déjà fait partie de coalitions gouvernementales dans le passé, n’a pourtant jamais été à la tête d’un gouvernement. La personnalité de Kickl, souvent jugée trop radicale, constitue un obstacle majeur à la formation d’alliances. Les partis de gauche et du centre ont déjà exclu toute coalition avec lui, et le chancelier sortant Nehammer, bien qu’hostile à une alliance avec Kickl personnellement, n’exclut pas un partenariat avec le FPÖ, comme cela a été le cas en 2000 et 2017. À défaut, il pourrait envisager une coalition avec les sociaux-démocrates du SPÖ, ce qui nécessiterait probablement l’appui d’un troisième partenaire, tels que les Verts ou les libéraux de Neos.

La victoire du FPÖ, bien qu’historique, ne garantit pas à Kickl l’accès à la chancellerie. Face aux refus répétés des autres partis de coopérer avec lui, Kickl a regretté que ses électeurs soient traités comme “des citoyens de second rang”, tout en exprimant son souhait de collaborer avec toutes les forces politiques.

Au sein du quartier général du FPÖ, la victoire a été célébrée avec enthousiasme. Erik Berglund, un militant de 35 ans, qualifie ce résultat de “succès énorme” et se dit prêt pour de longues négociations qui pourraient s’étirer jusqu’à Noël.

Les scénarios de coalition restent ouverts. Si une alliance avec les conservateurs demeure incertaine, l’option d’une grande coalition regroupant les sociaux-démocrates et les libéraux est également sur la table. Cette configuration, inédite en Autriche, pourrait être la clé pour former un gouvernement stable dans un contexte de divisions croissantes.

Les résultats des élections autrichiennes illustrent une tendance de fond en Europe, marquée par la montée des partis populistes et nationalistes, qui capitalisent sur la lassitude des électeurs face aux crises économiques et sociales. La situation actuelle en Autriche témoigne des profondes divisions qui traversent la société, et laisse présager des tractations politiques longues et complexes.