Brigitte Bardot, son interview culte : « Par ma faute, Saint-Tropez est devenu un carnaval touristique, une agglomération de stars, de milliardaires, de touristes… »

28 septembre, 2024 / Jerome Goulon

En ce samedi 28 septembre, Brigitte Bardot fêtes ses 90 ans. Véritable icône française, « BB » est indissociable de Saint-Tropez. Sans elle, ce village n’aurait sans doute pas la notoriété qu’il a aujourd’hui à travers le monde. Pourtant, Brigitte Bardot n’aime pas ce qu’est devenue la commune du Var. Comme en atteste cette interview qu’elle nous avait accordée en 1992 dans le tout premier numéro d’Entrevue. Un entretien culte que nous souhaitions vous faire (re)découvrir pour fêter l’anniversaire de cette icône française, très rare dans les médias…

Entrevue : Que représente Saint-Tropez pour vous ?
Brigitte Bardot : Un petit port d’attache. Un village de pêcheurs, un endroit où il faisait bon vivre. Aujourd’hui, par ma faute, Saint-Tropez est devenu un carnaval touristique, une agglomération de stars, de milliardaires, de touristes, les uns piétinant les autres, tout étant fait pour accrocher un maximum de pognon – l’horreur ! Mais mes racines profondes y sont ancrées. Il est dur de voir se détériorer ce que l’on aime, mais on essaie d’y faire subsister des oasis de vérité.

Malgré tout, vous continuez à y vivre ?
J’y vis parce que j’y ai mes racines. Mes parents sont enterrés là, mes grands-parents aussi. La Madrague, qui appartient désormais à ma fondation, a été pendant trente-cinq ans la maison de ma vie, de mes vacances, de mes amours, de mes détresses.

Comment était donc le Saint-Tropez que vous avez connu ?
Il était vrai, calme, attirant par son charme, ses pêcheurs, ses habitants, ses commerçants « avé » l’accent. Tout ça n’existe plus. L’accent du pays est devenu parisien, pied-noir, anglais.

Vous avez souvent été au centre des fêtes avec Sagan, Vadim, Barclay, etc. N’êtes-vous pas responsable de la renommée mondiale de Saint-Tropez ?
Si j’en suis responsable, c’est à mon corps défendant. J’ai essayé d’être le plus possible dans le style que j’aimais, pas star pour deux ronds mais pleine de joie de vivre, profitant de cette mer merveilleuse non polluée à cette époque, vivant à la sauvage, apprenant la cuisine provençale, le ski nautique, la plongée sous-marine, la guitare… Des choses simples, qui ne font de mal à personne. Quant à Vadim, Barclay et compagnie, le divorce d’avec l’un et une certaine incompatibilité de vie avec l’autre faisaient qu’ils étaient loin derrière moi.

Votre dernière maison, La Garrigue, est plus cachée que la première. Pourquoi deux maisons ?
Cadet Roussel a bien eu trois maisons, qui n’ont ni poutres ni chevrons ! Je ne connais aucune loi qui interdise d’avoir deux maisons. La Madrague appartient désormais à la fondation. Elle est devenue « l’Arc de Triomphe » de Saint-Tropez. Jour et nuit, les cars et les bateaux en font faire la visite en cinq langues : français, allemand, espagnol, italien et anglais. Et moi, j’ai besoin de paix.

Que pensez-vous des artistes qui s’installent aujourd’hui à Saint-Tropez ?
Je n’en pense rien, je m’en fous.

Et comment imaginez-vous Saint-Tropez dans 100 ans ?
Je n’imagine rien. Je vis au jour le jour. C’est assez triste de voir à quel point tout se dégrade à une vitesse vertigineuse. Ce qui se passera dans cent ans, je m’en fous.

Mais cette pensée ne vous attriste-t-elle pas ?
Si, cela m’attriste, car j’ai horreur du gâchis !

Où irez-vous en vacances dans 100ans ?
Dans 100 ans, j’aurai 157 ans, alors…

Quels sont les lieux de Saint-Tropez que vous aimez ?
Je n’aime plus rien à Saint-Tropez. Par contre, d’autres villages comme Grimaud, Gassin ou Ramatuelle ont eu le privilège d’avoir des maires intelligents qui ont su leur conserver leur authenticité.

Vous parlez souvent des chapelles et des églises. Est-ce important pour vous ?
Comme dans une auberge espagnole, on trouve dans une chapelle ce qu’on y apporte. Quand on ne croit en rien, on n’y trouve rien…