Gouvernement Barnier : Peut-on être ministre et maire à la fois ?

27 septembre, 2024 / Entrevue

Depuis la formation du gouvernement de Michel Barnier, une question revient sur le devant de la scène politique : les ministres peuvent-ils conserver leur mandat local ? Plusieurs membres du gouvernement souhaitent en effet cumuler leurs fonctions ministérielles avec celles de maire ou de président de département. Bien que légalement possible, cette situation rompt avec une tradition politique instaurée depuis 1997.

Une tradition remise en question

Parmi les ministres concernés, Gil Avérous, maire de Châteauroux et désormais ministre des Sports, ainsi que Fabrice Loher, maire de Lorient et ministre délégué à la Pêche, ont exprimé leur volonté de conserver leurs mandats locaux. François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne et ministre des Transports, ainsi que Nicolas Daragon, maire de Valence et ministre délégué à la Sécurité du quotidien, partagent le même désir. Tous avancent l’argument de la fidélité à leurs électeurs, expliquant ne pas vouloir « trahir l’engagement pris devant les citoyens ».

Cependant, cette position suscite des critiques. Les députés écologistes et socialistes s’indignent de ce cumul des fonctions, dénonçant une incompatibilité en termes d’engagement. Ils estiment qu’un ministre ne peut pas exercer pleinement son mandat s’il est également à la tête d’un exécutif local.

Cette situation déroge à une règle tacite, instaurée par Lionel Jospin en 1997. Son gouvernement avait instauré une interdiction de cumuler un poste ministériel avec une fonction exécutive locale. Cette pratique a été reprise sous Jacques Chirac en 2002 et formalisée en 2012 sous François Hollande avec la mise en place d’une « charte de déontologie ». Celle-ci stipulait que les ministres devaient renoncer à leurs mandats locaux, une règle maintenue sous Emmanuel Macron, bien que certains ministres comme Gérald Darmanin aient résisté.

Un climat politique incertain

Michel Barnier n’a pas encore pris position officiellement sur cette question. Certains ministres, comme Gil Avérous, ont affirmé qu’ils attendraient l’autorisation du Premier ministre pour prendre une décision définitive. Mais dans un contexte politique fragile, marqué par la menace d’une motion de censure, ces ministres pourraient bien choisir de conserver leurs mandats locaux, considérés comme une forme d’assurance en cas de chute rapide du gouvernement.

Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris Panthéon-Assas, explique que dans ce climat d’incertitude, « lâcher les rênes d’une mairie ou d’un département pour un poste ministériel temporaire n’est pas rationnel du point de vue stratégique ». En effet, si le gouvernement venait à tomber, ces ministres se retrouveraient sans mandat.

La loi de 2014, adoptée sous François Hollande, interdit certes le cumul des mandats pour les parlementaires, mais elle ne s’applique pas aux ministres. De plus, les ministres ne sont pas élus, mais nommés, ce qui évite juridiquement la question du cumul des mandats.

La question reste toutefois posée : un ministre peut-il véritablement être un bon maire ou président de département tout en gérant les affaires de l’État ? Les défenseurs du cumul rappellent que Jacques Chaban-Delmas, Premier ministre sous De Gaulle, n’a jamais cessé d’être un excellent maire de Bordeaux. Cependant, la charge de travail diffère selon la taille des communes : être maire d’une petite ville peut s’avérer plus exigeant que celui d’une grande ville où les services municipaux sont plus structurés.

Un débat loin d’être clos

Alors que certains ministres du gouvernement Barnier sont tentés de cumuler leurs fonctions, cette situation pose la question de la gestion des mandats locaux et des responsabilités ministérielles. Michel Barnier pourrait décider de suivre la tradition de non-cumul ou faire preuve de souplesse, en fonction de l’évolution du contexte politique.

Ce débat n’est pas nouveau et pourrait encore évoluer, notamment à l’approche des élections municipales de 2026, une échéance qui pourrait influencer les décisions des ministres concernés.