Procès de François Thierry : L’ancien chef de l’antidrogue se défend d’être un « cow-boy »

23 septembre, 2024 / Entrevue

François Thierry, ancien chef de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (Ocrtis), comparaît depuis ce lundi devant la cour criminelle du Rhône, accusé de « faux en écriture publique » et « destruction de preuves ». À 56 ans, celui qui fut l’un des grands noms de la lutte antidrogue est jugé pour avoir organisé en 2012 une fausse garde à vue d’un trafiquant de drogue, Sophiane Hambli, afin de le recruter comme informateur dans une opération de « livraison surveillée ».

L’ex-superflic, visiblement tendu, s’est défendu d’être un « cow-boy » lors de l’ouverture du procès. Il a contesté la qualification des faits et rejeté l’image d’un grand flic solitaire, en insistant sur sa volonté de partager les informations avec ses collègues et les magistrats. « Ce n’était pas des choses faites à la légère, tirées de mon chapeau un matin », a-t-il ajouté pour se démarquer de la réputation sulfureuse qui lui colle à la peau.

L’opération litigieuse remonte à avril 2012, lorsque Hambli, alors incarcéré, avait été extrait de prison sous prétexte d’une garde à vue. En réalité, il était installé dans un hôtel d’où il surveillait une importante livraison de cannabis depuis l’Espagne. Cette manœuvre, selon l’accusation, aurait été organisée sans l’autorisation complète des autorités judiciaires, ce que François Thierry dément, affirmant que le parquet de Paris était informé.

Un scandale d’État qui éclate en 2015

Le scandale éclate véritablement en octobre 2015, lorsque les douaniers découvrent sept tonnes de cannabis dans des camionnettes à Paris. Cette saisie, saluée initialement comme une victoire, révèle rapidement un dysfonctionnement au sein de l’Ocrtis. L’enquête met en lumière le rôle de Sophiane Hambli, trafiquant et indicateur de Thierry, et la complaisance supposée de l’office antidrogue, qui aurait facilité l’importation de drogues en France pour démanteler les réseaux.

Cette affaire complexe est devenue emblématique des méthodes controversées de l’Ocrtis, un service aujourd’hui démantelé et remplacé par l’Ofast. Pour François Thierry, ce procès représente un premier volet judiciaire. D’autres accusations pèsent encore sur lui, notamment une « complicité de trafic de stupéfiants » pour laquelle il sera jugé ultérieurement à Bordeaux.

Une procédure tentaculaire et des témoins de premier plan

Tout au long de la semaine, la cour criminelle entendra des témoins clés, parmi lesquels d’anciens hauts responsables de la justice, dont l’ex-procureur de Paris François Molins. Le principal enjeu du procès sera de déterminer quelles informations Thierry a communiquées aux magistrats à l’époque. L’accusation lui reproche de n’avoir fourni que des informations parcellaires, voire d’avoir volontairement trompé ses supérieurs pour mener à bien ses opérations.

Pour sa défense, son avocat, Me Francis Szpiner, n’a pas hésité à dénoncer une « tartufferie », assurant que tout le monde était informé des actions de son client.

François Thierry, désormais en charge de la stratégie numérique de la police nationale, encourt jusqu’à 15 ans de prison. Le verdict pourrait venir éclaircir les zones d’ombre d’une affaire qui a secoué les plus hautes sphères de la police et de la justice françaises.