INTERVIEW – Rodrigo Arenas (LFI) : « Le business de la politique c’est le clientélisme »
Depuis plusieurs jours, une polémique enfle autour des déclarations de Rodrigo Arenas, député de La France Insoumise (LFI) de Paris. Souhaite-t-il revenir sur l’interdiction de l’abaya dans les écoles ? Entrevue a rencontré Rodrigo Arenas pour clarifier sa position. Dans cette interview, il aborde non seulement la question de l’abaya et de la laïcité, mais aussi les accusations d’antisémitisme et de clientélisme qui planent sur LFI, ainsi que la nécessité d’un dialogue éducatif sur la place de la religion dans la société.
Entrevue : Depuis plusieurs jours, on entend que vous voulez revenir sur l’interdiction de l’abaya à l’école. Est-ce votre position ?
Rodrigo Arenas : Non, je ne souhaite pas revenir sur l’interdiction de l’abaya à l’école. Je veux simplement que l’on respecte le droit.
C’est-à-dire ?
Lorsque Gabriel Attal a instauré une circulaire, il a sollicité l’avis du Conseil d’État. Celui-ci s’est prononcé en référé à deux reprises, car certaines associations ont contesté cette interdiction. En août dernier, l’abaya a été considérée comme un signe ostentatoire musulman. Dès lors que le Conseil d’État considère qu’un vêtement a un caractère ostentatoire, il n’a pas sa place dans les écoles de la République.
Donc vous estimez que la circulaire d’interdiction de l’abaya dans les écoles n’était pas nécessaire ?
La loi de 2004 est absolument nécessaire car elle complète la loi de 1905 en interdisant aux élèves de porter des signes ostensibles, qu’ils soient religieux ou qu’ils relèvent du prosélytisme. Gabriel Attal avait raison de publier cette circulaire, mais elle devient superflue dès lors que le Conseil d’État a rendu son avis. Il n’y aura pas d’abayas dans les écoles publiques car cela est interdit en vertu de la loi de 2004, qui s’applique désormais.
Dans l’école de la République, n’y a-t-il pas un entrisme islamiste ?
Non, il y a très peu de faits concrets qui soutiennent cette théorie. Cela ne signifie pas que ces phénomènes n’existent pas et qu’ils ne doivent pas être affrontés, mais la question est de savoir comment les affronter. Ce qui se passe dans les écoles de la République, c’est la remise en question des enseignements, et cela ne se limite pas à l’islam. Par exemple, de plus en plus d’élèves remettent en cause certaines connaissances en raison d’affirmations identitaires religieuses. Ce que je reproche à Emmanuel Macron et à ses gouvernements, c’est d’avoir supprimé tous les espaces de dialogue éducatif sur la place de la religion dans notre société. Dès la maternelle, nous devons enseigner les valeurs et les principes de la République avec des pédagogies adaptées.
Quelle est votre définition personnelle de la laïcité ?
Je défends la laïcité de 1905, celle prônée par Aristide Briand et ses contemporains qui ont voulu l’émergence de cette loi au début du vingtième siècle. Fondamentalement, la laïcité, c’est la séparation des églises et de l’État.
N’êtes-vous pas isolé au sein de La France Insoumise avec des valeurs aussi fortes sur la laïcité ?
Non. Fondamentalement, tout le monde est laïc mais nous n’avons pas tous les mêmes moyens pour y parvenir. Ce qui semblait évident en 2004 ne l’est plus aujourd’hui car nous avons changé de civilisation ; nous sommes dans une ère numérique où l’accès aux connaissances est instantané. Nos enfants trouvent des réponses à leurs questions de différentes manières ; cela ne doit pas se faire avec des charlatans sur le web mais avec des enseignants qualifiés.
Admettez-vous qu’il y a dans les rangs de La France Insoumise un antisémitisme croissant ?
Non, je ne pense pas qu’il y ait de l’antisémitisme dans La France Insoumise, mais je reconnais qu’il est difficile de contrer une idée martelée toute la journée par certains médias. Il faut lutter contre l’antisémitisme non seulement en le dénonçant mais aussi par des actes concrets. Il faut une action publique forte pour le combattre, au même titre que toutes les autres discriminations comme le racisme et l’homophobie. Je regrette qu’en milieu scolaire, nous nous soyons beaucoup coupés du milieu associatif qui pouvait aider sur ces questions.
Que répondez-vous à ceux qui accusent votre parti de clientélisme islamique ?
Le business de la politique c’est le clientélisme. Il y a du clientélisme avec les chasseurs, les femmes, et tous les autres pans de la société. Il y a du clientélisme avec ceux qui se considèrent victimes de discrimination, notamment nos concitoyens d’origine maghrébine. Beaucoup d’entre eux estiment que La France Insoumise les représente et les défend le mieux. Mais il ne faut pas réduire LFI à cela. Nous travaillons sur de nombreux autres sujets, notamment économiques, qui ne sont pas toujours mis en avant. Il est réducteur et inexact de résumer notre force politique à l’antisémitisme ou autres clichés.
Quel Premier ministre pour le Nouveau Front Populaire ?
Celui qui le souhaite ! Je soutiendrai n’importe quel candidat ou candidate désigné. J’ai un petit penchant pour la société civile car j’en viens. Nous devons agir rapidement car nous ne pouvons pas désespérer l’électorat qui a fait barrage au Rassemblement National. Si nous échouons, le problème sera bien plus grand que le NFP. Si Macron continue à refuser la participation de La France Insoumise à un gouvernement, il sera difficile à l’avenir de constituer un front républicain efficace contre Marine Le Pen.
Propos recueillis par Radouan Kourak