Un pays face à l’instabilité politique : scénarios post-électoraux en France

22 juin, 2024 / Entrevue

Si les élections législatives ne permettent pas d’atteindre une majorité absolue, des motions de censure pourraient rapidement renverser les gouvernements futurs. Pour éviter un tel scénario, le président de la République pourrait choisir de mettre en place un gouvernement sans poids politique en attendant la prochaine dissolution.

La crainte d’un pays ingouvernable

À peine une dizaine de jours après la dissolution de l’Assemblée nationale, un soutien d’Emmanuel Macron a tenté de décrire le paysage politique français post-élections des 30 juin et 7 juillet. L’issue de ce scrutin pourrait en effet ne pas offrir une majorité absolue, c’est-à-dire plus de 289 députés, comme ce fut le cas entre juin 2022 et juin 2024.

Une fois les résultats des 577 circonscriptions annoncés, une nouvelle majorité relative obligerait plusieurs partis à former des alliances pour gouverner. Aucun des trois principaux blocs ne serait en mesure de composer un gouvernement seul, et les tentatives de négociation entre partis de gauche et de droite pourraient échouer à obtenir une majorité stable.

Des gouvernements techniques pour éviter l’instabilité

Les blocs du Rassemblement national et du Nouveau Front populaire pourraient eux aussi tenter de former des coalitions. Même réussies, ces alliances resteraient fragiles. Un gouvernement pourrait être renversé par une motion de censure dès qu’il ne bénéficierait pas du soutien de 289 députés. Cette situation pourrait perdurer jusqu’à juillet 2025, car une nouvelle dissolution de l’Assemblée est impossible dans l’année suivant la précédente, selon l’article 12 de la Constitution.

Pour éviter une longue période d’instabilité, Emmanuel Macron pourrait être tenté de nommer un chef de gouvernement peu clivant, entouré de ministres consensuels. « Plus ce sera ingouvernable, plus ce sera technique, » a prédit un cadre de Renaissance. Un tel gouvernement technique serait composé de hauts fonctionnaires et d’experts, choisis pour leurs compétences plutôt que pour leur légitimité politique.

Un gouvernement technique : expérience et limites

Historiquement, la France n’a pas eu de gouvernement purement technique. Cependant, le premier gouvernement de la Ve République dirigé par Michel Debré (1959-1962) s’en rapprochait, avec des personnalités comme Maurice Couve de Murville et Pierre Messmer. Aujourd’hui, des membres de la société civile sont souvent appelés à des postes ministériels, comme Nicolas Hulot, Éric Dupond-Moretti ou Amélie Oudéa-Castéra.

L’exemple européen : entre stabilité et crises

La France pourrait s’inspirer des exemples européens, comme la Belgique ou l’Italie. Cette dernière a connu quatre gouvernements techniques depuis la Seconde Guerre mondiale, dont le dernier était dirigé par l’économiste Mario Draghi. Ces gouvernements, composés d’experts, sont souvent légitimés par des crises politiques ou économiques majeures.

Ces gouvernements temporaires sont conçus pour résoudre des problèmes spécifiques, comme l’a fait Mario Draghi avec le plan de relance économique post-Covid-19. Toutefois, ils ne permettent pas aux partis de surmonter leurs crises internes et peuvent même favoriser la montée des partis antisystème, comme le montre l’exemple des Frères d’Italie et de Giorgia Meloni.

Vers une crise des institutions ?

La possibilité de voir un scénario similaire en France reste incertaine. Selon Nicoletta Perlo, maître de conférences en droit public, la crise actuelle en France est avant tout politique, et la nomination d’un Premier ministre non issu d’un parti en compétition pourrait s’avérer difficile. Une telle situation pourrait mener à une réflexion profonde sur la capacité des institutions françaises à gérer un paysage politique tripolaire, risquant de transformer la crise politique en une crise de régime.

Conclusion

Face à un avenir politique incertain, la France pourrait être contrainte d’explorer de nouvelles voies pour maintenir la stabilité gouvernementale. Le recours à un gouvernement technique, bien que jamais pleinement expérimenté en France, pourrait offrir une solution temporaire pour éviter le chaos institutionnel et préparer le terrain pour de nouvelles élections. Cependant, ce scénario n’est pas sans risques et pourrait entraîner des conséquences imprévues sur le long terme.