Ils pensaient tourner la page, vendre leur ferme, et partir enfin à la retraite l’esprit tranquille. Deux ans plus tard, Patrice et Josiane Garanger n’ont toujours pas récupéré leur bien, ni touché le moindre euro. À Montigné-le-Brillant, en Mayenne, leur ferme est occupée, exploitée, mais toujours à eux – du moins sur le papier. Car le compromis de vente signé n’a jamais abouti à un acte notarié. Et pourtant, la famille installée sur place refuse catégoriquement de partir. Ils vivent, travaillent, vendent lait et bétail, comme s’ils étaient chez eux. « Mais c’est faux ! », tempête Josiane, révoltée, face caméra.
Le préjudice s’élève à plus de 500 000 euros. Las, les Garanger ont décidé de remettre leur bien en vente. Mais comment vendre ce que l’on ne peut même pas récupérer ? Alors ils ont laissé un mot, en lettres blanches sur le bitume, en forme d’exaspération : « Dégagez ». L’acte est symbolique, un cri muet, mais il dit tout d’un combat devenu absurde.
Dans le voisinage agricole, la colère monte. Les syndicats, la FDSEA 53 en tête, dénoncent des pratiques frauduleuses. Mickaël Guilloux accuse : « Cette famille vend du lait et des animaux, reçoit de l’argent, mais ne paie personne ». D’autres professionnels affirment avoir subi le même genre de méthodes : du travail, des promesses, mais aucun paiement. Dans une autre région, à plusieurs centaines de kilomètres, un maire d’Indre-et-Loire reconnaît les mêmes personnes, les mêmes méthodes. « Ils ont l’habitude de s’installer sans payer », assure-t-il.
De leur côté, les occupants de la ferme renversent la table : selon eux, ce sont les Garanger qui n’auraient pas tenu leurs engagements. Ils évoquent des « anomalies » dans l’exploitation, des défauts cachés, des dysfonctionnements qui justifieraient leur refus de payer. Une défense qui sonne comme un écran de fumée, dans un dossier où les zones d’ombre ne cessent de s’épaissir.
Reste une réalité brutale : un couple âgé, spolié sans violence, sans effraction, mais dépossédé de fait. À l’heure où des débats enflammés surgissent sur l’occupation illégale des logements, la question s’invite dans les campagnes. Combien d’agriculteurs, demain, seront piégés par une poignée de mains, un compromis mal ficelé et l’absence de l’État ? À Montigné-le-Brillant, la ferme est toujours là. Mais elle n’appartient plus vraiment à personne – mais provisoirement à ceux qui refusent d’en sortir.