À Bagdad, l’incroyable jeu de la bague pendant les soirées du ramadan

À Bagdad, l’incroyable jeu de la bague pendant les soirées du ramadan

Chaque soir du ramadan, dans les rues de Bagdad, l’effervescence ne vient pas du ballon rond mais d’un jeu traditionnel vieux de plusieurs siècles : le Mheibes. Dans un stade transformé en arène populaire, sous les cris et les tambours, des centaines d’Irakiens se passionnent pour ce jeu collectif qui consiste à deviner lequel des membres de l’équipe adverse dissimule une bague dans sa main.

« C’est le jeu de nos ancêtres, un trésor du patrimoine », s’enthousiasme Jassem al-Aswad, star incontestée de la discipline et président de la Fédération nationale. Le Mheibes, dont le nom dérive de mahbas (chevalière en arabe), puise ses racines dans le Bagdad ottoman du XVIe siècle. Si ses règles paraissent simples, elles exigent un véritable sang-froid : le capitaine de l’équipe adverse dispose de dix minutes pour observer une quarantaine de joueurs impassibles, visages fermés, bras croisés ou poings serrés, afin de deviner où se cache l’anneau. Une erreur, et le point revient à l’équipe qui a su garder le secret.

Ce jeu, profondément ancré dans la culture irakienne, connaît un regain de popularité. Après des décennies de conflits, d’attentats, puis l’arrêt des compétitions pendant la pandémie de Covid-19, les Irakiens renouent avec cette tradition. « Même pendant les pires années de violences confessionnelles, on jouait dans les cafés », se souvient Baqr al-Kazimi, capitaine de l’équipe de Kadhimiya. Il évoque même une partie symbolique organisée sur un pont longtemps fermé entre les quartiers sunnite d’Al-Adhamiya et chiite de Kadhimiya : « Ce soir-là, on était tous unis. »

Lors des compétitions de ramadan, une quarantaine d’équipes venues de tout le pays – dont dix de Bagdad – s’affrontent dans des tournois acharnés. Ce soir-là, les regards sont tournés vers les rencontres entre Kadhimiya et Nassiriya, puis al-Machtal contre Bassora. Chaque joueur, en silence, entre dans son rôle avec sérieux, comme un acteur sur une scène.

Dans un pays où le football reste roi, le Mheibes n’est pas loin derrière. « On l’a dans le sang », sourit Baqr al-Kazimi. Plus qu’un jeu, il est devenu un rituel de cohésion, de transmission, et un symbole d’unité dans une nation qui en a cruellement manqué.

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