Chasse aux sorcières à Paris : deux restaurants solidaires sanctionnés pour des liens supposés avec Stérin

Chasse aux sorcières à Paris : deux restaurants solidaires sanctionnés pour des liens supposés avec Stérin

L’attribution de deux concessions de restauration sur les quais de Seine à Paris a été suspendue par la mairie de Paris. En cause : l’implication financière du Fonds du Bien Commun, créé par le milliardaire Pierre-Édouard Stérin, dans l’un des projets retenus. Un imbroglio politico-médiatique qui met en lumière les nouvelles lignes de fracture idéologiques dans la capitale.

Tout commence en décembre, lorsque la restauratrice Déborah Pham apprend que son établissement, Maison Maison, installé en bord de Seine depuis sept ans, ne verra pas son contrat de concession renouvelé. La Ville de Paris, propriétaire des lieux, a préféré un autre projet, porté par l’enseigne solidaire Bonne Table, spécialisée dans l’insertion professionnelle de réfugiés et de personnes en grande précarité. Le concept, pourtant aligné avec les objectifs d’économie sociale et solidaire de la municipalité, suscite une vague de protestations lorsqu’il apparaît qu’un de ses investisseurs minoritaires est le Fonds du Bien Commun, initié par Pierre-Édouard Stérin.

Rapidement, la restauratrice éconduite diffuse une vidéo sur les réseaux sociaux, dénonçant la proximité idéologique entre Bonne Table et les valeurs conservatrices prônées par Stérin, un homme d’affaires connu pour ses positions anti-IVG et son soutien à l’extrême droite. L’affaire prend une ampleur médiatique inattendue. Face à la pression, l’exécutif parisien décide de reporter le vote sur l’attribution de la concession, le temps d’« éclaircir la situation ».

Une controverse aux relents politiques

Audrey Pulvar, adjointe d’Anne Hidalgo chargée de l’alimentation durable, justifie cette suspension par un « manque d’informations initiales » sur l’actionnariat du projet. « Bonne Table est un projet hypersolidaire, mais la présence d’un investisseur comme le Fonds du Bien Commun pose question », explique-t-elle. Le report du vote est donc décidé, officiellement pour éviter tout « risque d’instrumentalisation ».

Dans la foulée, un second établissement, La Table de Cana, un traiteur également engagé dans la réinsertion professionnelle et disposant d’une concession municipale, voit son dossier gelé pour les mêmes raisons. Cette fois, le lien avec Stérin est encore plus ténu : il ne détient aucunement de parts dans l’entreprise, mais son président, Ghislain Lafont, est à la tête du Fonds du Bien Commun. Suffisant pour que la mairie de Paris suspende toute décision.

Moralisation ou chasse aux sorcières ?

Ce nouvel épisode révèle l’obsession grandissante de certaines franges de la gauche municipale pour le profil idéologique des investisseurs privés. « Nous devons être plus vigilants sur les financements des projets auxquels nous accordons des concessions publiques », défend Raphaëlle Rémy-Leleu, élue écologiste de Paris-Centre. « Il ne faut pas que l’administratif prenne le pas sur le politique », ajoute-t-elle, en appelant la mairie à être plus regardante sur les affiliations des candidats aux appels d’offres.

Du côté des restaurateurs concernés, la décision est perçue comme une injustice. Bonne Table se défend vigoureusement de toute proximité avec l’idéologie de Stérin et assure son indépendance : « Nous ne recevons aucune directive politique et nos valeurs sont celles de la solidarité et de la diversité», insistent ses fondateurs. Même indignation chez La Table de Cana, qui clame son apolitisme et dénonce une « chasse aux sorcières ».

Cette affaire met en lumière un climat délétère où la moindre affiliation idéologique devient un motif de suspicion. Si la vigilance sur le financement des projets publics est légitime, faut-il pour autant disqualifier toute entreprise ayant reçu des fonds d’un investisseur aux opinions controversées ? La question est désormais posée. À trop vouloir filtrer les engagements politiques des acteurs économiques, la mairie de Paris prend le risque de transformer une procédure administrative en terrain de lutte idéologique.

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Journaliste, chroniqueur et producteur, Radouan Kourak est un passionné d’histoire et de politique. Il se distingue par son goût pour l’analyse, le débat, le pluralisme et la confrontation d’idées. Repéré par Cyril Hanouna, il est un habitué des plateaux de C8 et CNews, où il intervient avec conviction et réflexion. Il apporte dans les médias, une perspective unique nourrie par sa passion pour la France et son souci de rigueur.

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