Face à un déficit public explosif qui atteindra 6,1 % du PIB en 2024, contre une prévision initiale de 4,4 %, la commission des Finances du Sénat s’active pour identifier les responsables. Après une série d’auditions marquées par des échanges tendus entre anciens et actuels responsables politiques, la mission d’information doit rendre ses conclusions avant l’examen du projet de budget 2025 par le Sénat, prévu le 25 novembre.
Cette enquête, relancée récemment en raison d’une dégradation budgétaire bien plus préoccupante que prévu, interroge la gestion des finances publiques depuis 2023. « Qui savait, dès cette époque, que la situation budgétaire était critique ? Des alertes ont-elles été ignorées ? », questionnent Claude Raynal, président socialiste de la commission, et Jean-François Husson, rapporteur Les Républicains.
Les deux sénateurs n’ont pas ménagé les personnalités auditionnées, parmi lesquelles Gabriel Attal, ancien Premier ministre, Elisabeth Borne, également ancienne cheffe du gouvernement, et Bruno Le Maire, ex-ministre de l’Économie.
Accusations de lenteur et de dissimulation
Pour les sénateurs, l’État disposait d’informations inquiétantes dès fin 2023 mais aurait tardé à agir ou à communiquer. « Il est normal d’essayer de comprendre ce qu’il s’est passé et de clarifier les responsabilités de chacun », explique Jean-François Husson.
Les anciens responsables réfutent tout manquement. Gabriel Attal a défendu son action et celle de ses ministres face à ce qu’il qualifie de « procès politique et médiatique scandaleux ». De son côté, Elisabeth Borne a reconnu avoir été alertée par Bercy en décembre 2023, mais affirme qu’à l’époque, « l’ampleur du dérapage était encore incertaine ».
Bruno Le Maire dans le viseur
Bruno Le Maire a concentré une grande partie des critiques. L’ancien ministre a, pour sa défense, accusé le gouvernement Barnier d’avoir négligé des mesures de redressement budgétaire élaborées par son équipe après la dissolution de l’Assemblée nationale. Selon lui, ces mesures auraient permis de limiter le déficit à 5,5 % sans augmenter les impôts.
Un argument qui n’a pas convaincu la gauche, laquelle dénonce un manque flagrant de cohésion au sein du « socle commun » gouvernemental actuel. « Quand un ministre pointe du doigt ses successeurs, cela montre bien l’absence de vision collective. Avec des alliés comme ça, pas besoin d’ennemis », ironise Claude Raynal.
Alors que le Sénat s’apprête à débattre du budget 2025, cette affaire met en lumière les fractures politiques et institutionnelles dans la gestion des finances publiques. Une commission d’enquête similaire se tiendra à l’Assemblée nationale, promettant d’amplifier les tensions et d’alimenter le débat public sur les responsabilités dans ce dérapage budgétaire.
La suite des travaux permettra peut-être de répondre à une question clé : le déficit record de 2024 est-il le résultat d’un héritage mal assumé ou d’un manque de gouvernance efficace ?