Alexeï Navalny : des mémoires posthumes qui dénoncent la brutalité du régime russe

Entrevue 1

Le 22 octobre 2024, le monde découvrira les mémoires posthumes d’Alexeï Navalny, l’opposant numéro un de Vladimir Poutine, décédé dans une prison russe en février dernier. Intitulé Patriote, cet ouvrage dévoile des écrits intimes de Navalny sur ses derniers moments, marqués par la solitude, la souffrance et un sens du sacrifice inébranlable.

Dans des extraits publiés par The New Yorker et le Times de Londres, Navalny fait preuve d’une lucidité glaçante. « Je passerai le restant de mes jours en prison et je mourrai ici », écrivait-il le 22 mars 2022, deux ans avant son décès. Convaincu qu’il ne reverrait jamais ses petits-enfants et qu’il ne figurerait sur aucune photo de famille, il voyait son emprisonnement comme une fatalité dans une Russie contrôlée par Poutine. Il décrit également une routine carcérale déshumanisante, marquée par des journées de travail harassantes et des séances d’« activité disciplinaire » sous le portrait du président russe.

Son arrestation en janvier 2021, après un retour en Russie suite à un empoisonnement, l’avait conduit à purger une peine de 19 ans pour « extrémisme » dans une colonie pénitentiaire de l’Arctique. Dans ses écrits, Navalny raconte sa grève de la faim d’avril 2021, un acte désespéré face aux tortures psychologiques infligées par ses geôliers, qui laissaient volontairement la porte de la cuisine ouverte pour que l’odeur de nourriture l’atteigne.

Malgré la dureté de son quotidien, Navalny conservait un certain sens de l’humour. Il expliquait que l’une des raisons d’écrire ce livre était d’assurer un soutien financier à sa famille grâce aux droits d’auteur en cas de son décès. « Si une tentative d’assassinat obscure suivie d’une mort en prison ne peut pas faire vendre un livre, difficile d’imaginer ce qui le pourrait », ironise-t-il.

La publication de ses mémoires intervient dans un contexte de condamnations internationales unanimes concernant sa mort, plusieurs dirigeants occidentaux pointant la responsabilité de Vladimir Poutine. Pour David Remnick, rédacteur en chef de The New Yorker, il est impossible de lire ces écrits sans être indigné par la tragédie que représente sa mort.

Dans l’une de ses dernières entrées, datée du 17 janvier 2024, Navalny répond à la question qui lui était fréquemment posée en prison : pourquoi être retourné en Russie, sachant qu’il serait arrêté ? « Je ne veux pas abandonner mon pays ni le trahir. Si vos convictions ont un sens, vous devez être prêt à les défendre, même au prix de grands sacrifices », écrivait-il, illustrant son dévouement jusqu’au bout. Le livre Patriote sortira simultanément dans plusieurs langues, dont une version en russe.

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