30 000 euros en trois jours : les dessous du voyage de Manuel Valls au Bahreïn

Entrevue 1

L’ancien Premier ministre Manuel Valls a effectué en juillet 2024 un séjour de trois jours à Manama, capitale du Bahreïn. Selon des informations révélées par Mediapart, cette mission lui aurait rapporté 30 000 euros. Dans ce contexte, Valls faisait partie d’une délégation composée de juristes, d’un chercheur en géopolitique et d’une experte en communication judiciaire, mobilisée pour défendre les intérêts du royaume bahreïni dans un litige opposant ce dernier au Qatar.

Un contrat opaque aux ramifications internationales

Le contrat ayant permis de rémunérer Manuel Valls a été signé par Philippe Feitussi, ancien avocat de la famille royale bahreïnie. Les fonds proviennent d’une société offshore basée à Hong Kong, Queen Capital International Limited, enregistrée sous un prête-nom. Cette entreprise a financé les honoraires des membres de la délégation ainsi que leur déplacement, tout en dissimulant l’identité de ses véritables bénéficiaires.

Selon Mediapart, la mission de Valls consistait à expliquer aux autorités bahreïnies les enjeux d’une enquête préliminaire ouverte en France par le Parquet national financier (PNF). Cette enquête, déclenchée par un signalement du député Philippe Latombe (MoDem), vise à examiner de possibles faits de corruption concernant des magistrats de la Cour internationale de justice (CIJ) ayant rendu, en 2001, une décision favorable au Qatar dans un différend territorial.

Une mission liée à un vieux contentieux

Le Bahreïn cherche depuis 2020 à contester la décision de la CIJ, qui attribuait au Qatar le contrôle des îles Hawar et des eaux territoriales adjacentes. Le royaume soupçonne certains juges, dont l’Algérien Mohammed Bedjaoui, d’avoir été corrompus. Ces accusations s’appuient sur un rapport de 800 pages réalisé par un cabinet d’intelligence français, rapport détaillant des soupçons de pots-de-vin et des mécanismes financiers complexes.

Cette tentative intervient dans un contexte où les relations entre le Bahreïn et le Qatar oscillent entre tensions et rapprochements. Après un blocus initié par une coalition régionale en 2017, le Bahreïn et le Qatar ont officiellement rétabli leurs relations diplomatiques en 2023. Cependant, cette coopération n’a pas mis fin à certaines rivalités juridiques et diplomatiques.

Une délégation hétéroclite, un rôle flou

Aux côtés de Manuel Valls, d’autres membres de la délégation avaient des profils variés. Céline Clément-Pétremann, ancienne responsable de la communication du PNF, aurait été rémunérée pour fournir des analyses destinées à médiatiser l’affaire. De son côté, Manuel Valls, bien qu’éloigné de son domaine de compétence habituel, aurait eu pour mission de sensibiliser les autorités bahreïnies à l’indépendance de la justice française.

Cette reconversion surprenante soulève des interrogations. Manuel Valls agit-il par nécessité financière, malgré les revenus déjà confortables liés à son statut d’ancien Premier ministre (142 599 euros de défraiement en 2023) ? Ou cherche-t-il à s’intégrer dans les cercles d’influence géopolitiques de la région ?

Critiqué pour ses liens avec un régime autoritaire, Manuel Valls ne s’est pas exprimé sur les motivations derrière sa participation. Le Bahreïn, connu pour ses atteintes aux droits humains et sa répression des opposants politiques, reste un partenaire controversé sur la scène internationale. Ce déplacement, qui s’inscrit dans une tentative de réhabilitation de son image post-politique, interroge sur les limites éthiques de telles missions lucratives.

Le silence de l’ancien chef de gouvernement sur cette affaire ne fait qu’accentuer le mystère autour de ses choix professionnels.

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