« Penser à la mort donne du sens à la vie » : les confidences de Roselyne Bachelot

15 septembre, 2024 / Entrevue

Dans une interview intime et émouvante accordée au Point, Roselyne Bachelot, ancienne ministre, se confie pour la première fois sur sa relation avec la mort, la spiritualité, et son parcours de vie marqué par une éducation catholique stricte. À travers cet échange, elle aborde sans détour les événements qui ont façonné sa vision du monde, ses ruptures avec l’Église catholique, et sa réflexion sur la fin de vie.

Une éducation religieuse intense mais marquée par la rupture

Roselyne Bachelot a grandi dans une famille profondément imprégnée par la religion catholique. Ses parents, fervents catholiques pratiquants, lui ont transmis une éducation religieuse rigoureuse. Toute sa scolarité s’est déroulée dans un établissement catholique à Angers, où elle a été confrontée à un système éducatif empreint de religiosité. Pourtant, cette proximité avec l’Église a vite été ternie par des constats douloureux.

Dès son adolescence, elle est choquée par l’antisémitisme ambiant dans les enseignements religieux, ainsi que par la violence des discours transmis sur la Shoah. Ce malaise s’accentue à mesure qu’elle découvre les contradictions de l’Église. Elle parle aussi de sa révolte face aux abus sexuels dans son entourage et au silence complice des institutions religieuses à cette époque. Ces expériences ont forgé sa décision de rompre avec l’Église catholique, malgré son attachement à certains aspects spirituels.

Un rapport intime à la mort

Roselyne Bachelot révèle que sa relation à la spiritualité passe aujourd’hui par une réflexion quotidienne sur la mort. « Penser à la mort installe une relation avec la transcendance », confie-t-elle, ajoutant qu’elle consacre chaque soir un moment à s’immerger dans sa propre finitude. Cette démarche, qu’elle compare à une prière intérieure, lui permet d’apprivoiser la mort et de mieux comprendre le sens de son existence. Elle s’inspire notamment des philosophes, citant Montaigne qui écrivait : « Philosopher, c’est apprendre à mourir. »

Ce rituel spirituel est pour elle un moment de connexion intime, non pas avec Dieu, mais avec sa propre finitude, loin de toute intermédiation religieuse.

Ayant longuement réfléchi à la question de sa propre mort, Roselyne Bachelot a décidé de modifier ses directives funéraires. Initialement favorable à l’incinération, elle a changé d’avis après avoir assisté à plusieurs sépultures d’incinération, qu’elle décrit comme « violentes » et « déchirantes ». Ne souhaitant pas imposer cette pratique à ses enfants, elle a opté pour une sépulture traditionnelle, tout en exprimant une réticence à l’idée d’une messe religieuse.

Pour elle, la création de rituels laïques pour accompagner la mort est une alternative qui mérite d’être explorée. Elle évoque l’idée de réutiliser certaines églises désaffectées pour des cérémonies laïques, soulignant l’importance de donner un nouveau sens à ces lieux tout en respectant le choix de chacun face à la mort.

Une position claire sur la fin de vie

Roselyne Bachelot s’oppose fermement à l’euthanasie active, qu’elle considère comme un « déni d’humanité ». Elle défend la loi « Claeys-Leonetti » sur la fin de vie, qu’elle juge adaptée et respectueuse des droits des patients. Selon elle, le développement des soins palliatifs, aussi bien en institution qu’à domicile, est la priorité pour garantir une fin de vie sereine et digne.

À travers cet entretien, Roselyne Bachelot livre une réflexion sincère sur des thèmes universels comme la mort, la spiritualité, et le rapport à la religion. Sa voix, empreinte de gravité et de sensibilité, reflète une quête de sens dans un monde où les croyances, les valeurs, et les traditions sont en constante mutation.