Barnier, maître d’école à Matignon : Quand Retailleau et Migaud passent en retenue

26 septembre, 2024 / Entrevue

La cloche a sonné bien tôt ce jeudi matin pour Bruno Retailleau et Didier Migaud, convoqués à 8h30 rue de Varenne. Au programme : une réunion « de travail » pour calmer l’agitation entre les deux nouveaux élèves turbulents du gouvernement Barnier. Le Premier ministre, tel un chef d’établissement au ton sérieux mais avec une pointe de lassitude, a réuni ses deux prodiges pour leur rappeler les règles de la cour.

Dès leur entrée en classe, Retailleau, ministre de l’Intérieur, et Migaud, garde des Sceaux, n’ont cessé de se chamailler à coups de déclarations médiatiques. C’est simple : l’un veut réformer l’école en durcissant le règlement (l’arsenal pénal), tandis que l’autre, l’ancien premier de la classe socialiste, brandit l’indépendance des juges comme on défendrait un devoir bien rédigé.

Barnier, dans son rôle de principal conciliateur, a tenté de calmer les esprits avant que le conseil de discipline ne soit nécessaire. « C’est normal qu’il y ait des débats, mais c’est moi qui tranche à la fin », aurait-il dit, un peu comme un proviseur fatigué d’entendre les querelles d’un conseil de classe qui traîne en longueur.

Duel sur la cour de récréation judiciaire

L’élément déclencheur de cette « réunion de travail » remonte à lundi soir, lorsque Retailleau a lancé un pavé dans la mare, critiquant ouvertement « l’inexécution des peines » et appelant à durcir le règlement de la cour (comprendre : construire plus de prisons et moins de remises en liberté). Une attaque qui n’a pas plu à Didier Migaud, qui s’est empressé de répliquer depuis France 2 : « La justice est indépendante, même si nos concitoyens estiment parfois qu’elle manque de fermeté. » Le match était lancé.

Les deux ministres se sont donc retrouvés jeudi matin, sous l’œil vigilant de Barnier, pour une ultime tentative d’apaisement avant la déclaration de politique générale du Premier ministre prévue le 1er octobre. L’objectif ? Que ces deux élèves, pourtant brillants dans leurs domaines respectifs, trouvent un terrain d’entente pour éviter que la classe ne finisse par éclater.

Une ambiance de retenue

« Il n’y a pas eu de recadrage particulier », jurent les proches de Retailleau. Pourtant, derrière cette façade cordiale, les désaccords idéologiques sont profonds. Retailleau, en bon élève de la fermeté, a réitéré son souhait de réformer la politique pénale, estimant que l’affaire Philippine, du nom de l’étudiante tuée à Paris, soulève des questions trop graves pour être ignorées. Migaud, lui, n’a pas caché son agacement face à ce qu’il perçoit comme une tentative de surenchère sécuritaire, rappelant que « la justice est déjà sous pression ».

Pour Michel Barnier, plus habitué aux conférences internationales qu’aux querelles de cour de récréation, la tâche s’annonce délicate. Mais comme tout bon proviseur, il a pris des notes, écouté les arguments et promis des solutions concrètes « pour répondre aux attentes des Français », tout en espérant que ses deux élèves finiront par trouver un terrain d’entente.

En attendant, les ministres de l’Intérieur et de la Justice devraient se revoir régulièrement, histoire de s’assurer que le calme règne dans les couloirs de Matignon. Le premier ministre, comme un professeur épuisé à la fin de l’année, n’a pas encore donné son dernier mot, mais il est clair que la rentrée s’annonce mouvementée pour les élèves du gouvernement Barnier.